Affaiblie par plusieurs jours sans manger, elle s'était rendue dans un hôpital du Tigré, région éthiopienne en situation de famine depuis plus de deux ans. Alitée, elle quémandait quelques gorgées d'eau, qu'elle peinait à avaler en raison de ses muscles atrophiés.
Sept mois après l'accord qui a mis fin à deux ans d'un conflit dévastateur, le Tigré crie famine. Et la situation risque de s'aggraver après les décisions en mai du Programme alimentaire mondial (PAM) de l'ONU et de l'agence d'aide du gouvernement américain (USAID) de suspendre leur aide alimentaire au Tigré en raison de détournements.
Lors de son entretien avec la presse, Desta Hailu, professeur d'université dans la ville d'Adigrat, située à quelques kilomètres de la frontière érythréenne, a raconté n'avoir pas mangé depuis deux jours. Son dernier repas se composait d'une tranche de pain avec du thé.
Région de six millions d'habitants située dans le nord de l'Ethiopie, le Tigré est en quête de nourriture depuis plus de deux ans.
Durant la guerre qui a fait rage entre novembre 2020 et novembre 2022, des experts de l'ONU ont accusé le gouvernement fédéral éthiopien d'avoir soumis la région à un blocus "de fait".
Le gouvernement éthiopien refusant toujours l'accès du Tigré aux journalistes, l'AFP n'est pas en mesure de vérifier de manière indépendante les informations sur le terrain.
Après l'accord de paix signé en novembre, les services de base - électricité, banques, télécommunications - sont progressivement revenus. La faim, elle, demeure.
Des déplacés mendient dans la rue, d'autres font la queue devant les centres de distribution de nourriture, raconte-t-elle par téléphone.
Le PAM et USAID ont gelé l'aide au niveau national en juin après avoir découvert qu'elle était détournée vers les marchés locaux. Aucune des deux organisations n'a identifié les responsables de ces détournements.
Desta Hailu et Nigisti Solomon assurent avoir déjà vu de l'aide vendue, comme par exemple des couvertures, les marchands se justifiant en disant avoir besoin d'argent pour acheter nourriture, médicaments ou du savon. Et d'expliquer:
Les gens sont désespérés, ils veulent survivre (...) et remplir leurs estomacs.
Le PAM a refusé les demandes d'interviews de l'AFP. Les porte-parole du gouvernement éthiopien et d'USAID n'ont pas donné suite aux sollicitations.
Gaym Gebreselassie, sa femme et ses deux enfants âgés de six et deux ans, dépendent eux aussi de l'aide alimentaire, conséquence de plusieurs mois de salaires impayés. A cause de la malnutrition, ses deux fils ont contracté des infections, affirme-t-il.
Avant que la guerre n'éclate en novembre 2020, il menait une vie confortable, assure-t-il. Puis les troupes érythréennes, qui ont soutenu l'armée fédérale éthiopienne, ont occupé et pillé sa maison.
Dans les mois qui ont suivi, sa tante et le cousin de sa mère, tous deux âgés d'une quarantaine d'années, sont morts à cause de la malnutrition.