En Palestine occupée, un chemin vers l'école truffé d'embûches et de peurs

La rédaction
16:0330/05/2024, jeudi
AFP
Des écoliers palestiniens se tiennent dans la cour d'une école dans le village d'Urif au sud de la ville Naplouse en Palestine occupée, le 30 mai 2024
Crédit Photo : JAAFAR ASHTIYEH / AFP
Des écoliers palestiniens se tiennent dans la cour d'une école dans le village d'Urif au sud de la ville Naplouse en Palestine occupée, le 30 mai 2024

Aller au lycée d'Urif en Palestine occupée, c'est comme "entrer en prison", assure son directeur adjoint. Au-dessus du mur d'enceinte et sa peinture de Schtroumpf au bleu fané, des grillages rouillés, et, avec en arrière-plan la colonie israélienne de Yitzhar, la "peur d'être attaqué".

"On est en permanence en train de circuler parmi les élèves pour leur donner des instructions"
, leur dire
"de venir à l'école groupés et pas tout seul parce que les attaques des colons ont lieu parfois à l'aube, parfois vers 18H00"
, décrit Mazin Chéhadeh, directeur adjoint du lycée public de cette localité palestinienne à quelques kilomètres au sud de la grande ville de Naplouse.

Crédit photo: JAAFAR ASHTIYEH / AFP
"Tous les jours, nous inspectons les abords de l'école par peur qu'il y ait des engins explosifs",
ajoute-t-il, comme ce jour où il y avait
"une bombe attachée à un fil entre les arbres".

Alors que les yeux sont rivés sur la bande de Gaza, dévastée par la guerre, la situation se détériore en Palestine occupée.

Dans ce territoire occupé par Israël depuis 1967, quelque 490.000 Israéliens vivent dans des colonies que l'ONU juge illégales au regard du droit international, au milieu de trois millions de Palestiniens.


Ces derniers composent depuis longtemps avec les restrictions de mouvement. Mais la multiplication des barrages et points de sécurité les ont exacerbées depuis la guerre à Gaza, compliquant davantage le trajet vers l'école.

Depuis le 7 octobre, 519 Palestiniens ont été tués en Palestine occupée par des soldats ou colons israéliens, selon l'Autorité palestinienne.


"Cauchemar"


Dans le bureau de M. Chéhadeh, du carrelage noirci par les flammes, stigmate selon lui d'un incendie d'origine criminelle. Sur le toit, des panneaux solaires brisés.


Dans la cour du lycée, Qaïs, élève de 15 ans, raconte qu'
"au moindre bruit, au moindre coup de feu ou à la moindre explosion près de la ville, on se dit que l'armée (israélienne) ou les colons ont attaqué l'école".
Omar, 12 ans ajoute:

Parfois l'armée nous harcèle, nous envoie des bombes lacrymogènes et des bombes assourdissantes et nous empêche d'aller à l'école.

L'année scolaire, qui s'est achevée mercredi, a viré
"au cauchemar"
, selon l'UNICEF avec 27,5% des élèves en élémentaire qui ne se sentent pas en sécurité à l'école, selon une étude de l'UNRWA, l'agence onusienne pour les réfugiés palestiniens.

Entre le 7 octobre et le 7 mai, 60 élèves mineurs ont été tués, 345 blessés, et 68 écoles visées par des actes de vandalisme, selon le ministère de l'Éducation palestinien, qui recense 125 élèves détenus. Interrogée sur ces arrestations, l'armée israélienne précise qu'elles s'inscrivent dans ses
"activités antiterroristes".

Ce bilan s'est alourdi avec la mort d'un collégien de 15 ans qui évacuait son école à vélo quand une balle l'a fauché le 21 mai lors d'un raid militaire israélien ayant entraîné d'intenses combats avec des groupes armés palestiniens à Jénine (nord de la Palestine occupée).


Décrochage


À Urif, en raison d'attaques répétées de colons, les responsables du lycée expliquent avoir rajouté des barbelés sur les clôtures, et une toile à l'entrée contre les jets de pierres qui a coûté l'équivalent de 62.500 euros.


Crédit photo: JAAFAR ASHTIYEH / AFP

Dans les classes, les lourds rideaux pourpres sont tirés sur les fenêtres barrées d'un double grillage, et des simulations d'évacuation régulièrement menées.


Les élèves ont l'impression d'être
"piégés"
, d'"
entrer dans une prison"
, ce qui
"affecte leur état psychologique et leurs résultats scolaires"
, dit M. Chéhadeh selon qui
"la plupart des élèves travailleurs et brillants"
sont partis.

D'autres ont abandonné pour aider les parents privés de revenus depuis que la frontière avec Israël leur est fermée.


Ceux qui restent n'ont eu que trois jours par semaine à l'école, le reste se passant à distance sous l'effet combiné de l'insécurité et des finances de l'Autorité palestinienne qui ne permettent pas le versement de salaires complets aux enseignants.

Alors que les vacances d'été débutent jeudi, pour trois mois,
"la vraie question est de savoir quelle alternative est offerte à ces enfants qui restent dans la rue et continuent à être témoins de ce type de violence"
, s'interrogeait fin mai le patron de l'UNRWA, Philippe Lazzarini.

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