Des ouvriers réparant une route endommagée lors de la rébellion des mercenaires de Wagner, le 27 juin 2023. Crédit Photo: STRINGER / AFP
Cratères de bombes, maisons endommagées, habitants sous le choc : la rébellion armée des mercenaires de Wagner a laissé des traces dans la campagne russe, à des centaines de kilomètres du front ukrainien.
Samedi dernier, sur ordre de leur chef Evguéni Prigojine, des colonnes de véhicules groupe Wagner foncent depuis le sud-ouest de la Russie vers Moscou. Objectif: renverser le commandement militaire accusé de mensonges et d'incompétence en Ukraine.
La mutinerie est l'une des pires menaces affrontées par Vladimir Poutine en plus de deux décennies de pouvoir. Mais, au bout de 24 heures de négociations, Evguéni Prigojine ordonne à ses hommes de faire demi-tour et part en exil au Bélarus.
Pendant cette action éclair, des affrontements aux circonstances encore floues éclatent entre Wagner et l'armée régulière dans la région de Voronej, à 450 kilomètres au sud de la capitale russe, une zone agricole réputée pour sa
fertile.
"Il y a eu le bruit d'un avion qui passe, mais on ne l'a pas vu. Il a fait des tours, puis il y a eu un sifflement et un grand fracas, puis un deuxième",
raconte Lioubov, 65 ans, infirmière à l'hôpital de la ville d'Anna, à une heure et demie de route de Voronej.
"Des gens disent que leurs vitres ont été soufflées. Nous avons une maison à l'écart (de la ville), du plâtre est tombé du plafond",
dit cette dame à l'AFP, en attendant à l'arrêt de bus.
"On n'a pas besoin de la guerre ici, on n'a besoin de rien",
ajoute-t-elle.
"Mais je pense que tout ira bien, car nous avons Poutine dans ce pays, je le respecte, je l'adore, c'est un homme intelligent"
, conclut-elle en riant, son parapluie à la main.
A la sortie de la ville, plusieurs grands cratères de bombe sont visibles en contrebas d'une route dont la glissière de sécurité a été arrachée. Des arbres et un poteau électrique ont été soufflés par l'explosion.
Evguéni Prigojine affirme que le groupe Wagner, très aguerri, a abattu plusieurs aéronefs de l'armée russe et que deux de ses hommes ont été tués et plusieurs blessés. M. Poutine a admis la mort de plusieurs pilotes, sans donner de chiffres.
Dans le village d'Elizavetovka, dans une autre partie de la région de Voronej, 19 maisons ont été endommagées par des tirs.
"Il y a eu des coups de feu et des bombardements. Dieu merci, il était très tôt (samedi) et les gens dormaient",
raconte un habitant, sous couvert d'anonymat.
Une responsable de l'administration locale a ensuite exigé que l'AFP quitte le village, affirmant ne pas souhaiter montrer une image
de la zone à des médias étrangers.
Dans la capitale régionale, Voronej, un dépôt de carburant a pris feu près d'une grande artère de cette ville d'un million d'habitants pendant la rébellion, provoquant un immense incendie. Des réservoirs carbonisés y étaient toujours visibles mardi.
Les habitants interrogés par l'AFP sont partagés. Certains louent l'action du Kremlin et estiment que la crise est résolue. Mais d'autres ne se sentent toujours pas en sécurité et quelques-uns soutiennent même la mutinerie d'Evguéni Prigojine.
"Il a raison. Tout le monde le soutient, mais ils ont trop peur de le dire",
assure une habitante de Voronej, également sous couvert d'anonymat par crainte de la répression qui frappe massivement les critiques du pouvoir.
"On parle de ça dans la voiture, dans les cuisines, mais personne ne dit rien (en public), même sur Internet, car ils ont trop peur. Tu peux aller en prison pour ça",
souligne-t-elle.
Inna, une psychologue de 60 ans à la retraite, dit n'avoir eu qu'un seul réflexe en apprenant la rébellion de Wagner : se précipiter au magasin pour acheter des produits alimentaires et avoir des réserves en cas de troubles.
Pour elle, il n'y a
malgré la fin officielle de la crise.
"L'incertitude demeure, la méfiance demeure par rapport à ce qui se passe",
souffle cette femme à l'air inquiet, assise sur un banc dans le centre de Voronej.
Une habitante dit à l'AFP être totalement contre l'intervention militaire en Ukraine.
"Je veux juste la paix. J'estime que c'est la faute de Poutine. Il a fait ressortir toute la noirceur de la vie."
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