Crédit Photo : Julien SENGEL, Sebastien SAUGUES / AFPTV / AFP
"Une décision historique" : la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) doit se prononcer pour la première fois mardi sur la responsabilité des Etats face au changement climatique, ce qui pourrait les contraindre à des politiques plus ambitieuses.
"Une décision historique": la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) se prononce mardi pour la première fois sur la responsabilité des Etats face au changement climatique, ce qui pourrait les contraindre à des politiques plus ambitieuses.
La Cour, qui siège à Strasbourg, va rendre ses décisions dans trois affaires distinctes, portées par des requérants qui reprochent aux gouvernements leur
ou
des mesures prises contre le dérèglement climatique.
Alors que plusieurs Etats européens, dont la France, ont déjà été condamnés par leurs juridictions internes pour n'avoir pas tenu certains engagements contre le réchauffement climatique, par exemple en matière d'émissions polluantes, la CEDH pourrait aller plus loin et considérer que cette
viole certains droits fondamentaux.
Signe de la complexité du sujet et de l'importance que ce tribunal international lui accorde, c'est la Grande chambre, formation la plus solennelle de la CEDH, composée de 17 juges, qui s'est emparée de ces dossiers, traités en priorité, afin de définir pour la première fois sa jurisprudence sur une thématique où les affaires s'accumulent.
L'enjeu réside
"dans la reconnaissance d'un droit individuel et collectif à un climat aussi stable que possible, ce qui constituerait une innovation juridique importante",
estime l'avocate et ancienne ministre de l'Environnement française Corinne Lepage, qui défend l'un des trois dossiers.
La position de la Cour
"peut marquer un tournant dans la lutte pour un avenir vivable",
assure l'avocat Gerry Liston, de l'ONG Global Legal Action Network (GLAN).
"Une victoire dans l'une des trois affaires pourrait constituer pour l'Europe l'évolution juridique la plus significative sur le changement climatique depuis la signature de l'Accord de Paris en 2015".
La CEDH, qui fait respecter la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, ne s'est jamais prononcée jusqu'ici sur cette question.
Si la Convention ne contient aucune disposition explicite relative à l'environnement, la Cour a déjà déduit, à partir du
"droit au respect de la vie privée et familiale"
(article 8 de la Convention), une obligation des Etats à maintenir un
dans des affaires relatives à la gestion des déchets ou des activités industrielles.
Des trois dossiers qui seront tranchés mardi, le premier est porté par l'association suisse des
"Aînées pour la protection du climat"
(2.500 femmes âgées de 73 ans en moyenne) et quatre de ses membres qui ont développé en plus des requêtes individuelles. Elles se plaignent des
"manquements des autorités suisses" en matière de protection du climat, qui "nuiraient sérieusement à leur état de santé".
De même, Damien Carême, ancien maire de Grande-Synthe (Nord), attaque les
de l'Etat français, estimant notamment qu'elles font peser sur la ville, bordée par la mer du Nord, un risque de submersion.
En 2019, il avait déjà, en son nom propre et en tant que maire, saisi le Conseil d'Etat pour
La plus haute juridiction administrative avait donné raison en juillet 2021 à la commune, mais avait rejeté sa demande individuelle, l'amenant donc à saisir la CEDH.
La troisième affaire est portée par un collectif de six Portugais, âgés de 12 à 24 ans, mobilisés après les terribles incendies qui ont ravagé leur pays en 2017.
Leur requête présente la particularité d'être dirigée non seulement contre le Portugal, mais également contre 31 autres Etats (tous les pays de l'UE, plus Norvège, Suisse, Turquie, Royaume-Uni et Russie).
Toutes les affaires s'appuient principalement sur les articles 2 et 8 de la Convention, qui protègent le
et le
"droit au respect de la vie privée".
Cependant, la Cour ne statuera sur le fond qu'à la condition d'avoir jugé que ces affaires respectent les conditions de procédure, dont la qualité de victime des requérants et l'épuisement des recours au niveau national, ce que les Etats se sont longuement attachés à démonter lors des deux audiences organisées courant 2023.
"Si on gagne, tout le monde gagne",
promet Anne Mahrer, porte-parole des Ainées suisses, qui rappelle que la jurisprudence de la CEDH s'applique aux 46 Etats signataires de la Convention.
"Les législations et les politiques devront être revues, au bénéfice de tous".
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