"Moundou la rose", bourgade parsemée de petits commerces et industries nichée au coeur du Tchad fertile, dans le sud, tranche singulièrement avec la sablonneuse et poussiéreuse capitale N'Djamena, aux portes du désert de ce vaste pays sahélien.
Le sud fertile est le fief de l'opposition depuis 1979, quand une rébellion de clans du Nord et de l'Est a renversé le pouvoir dominé, depuis l'indépendance de la France en 1960, par les chrétiens sudistes des présidents François Tombalbaye puis Félix Malloum.
Après huit années d'une terrible répression sous Hissène Habré (1982-90), une grande partie de la population sudiste s'estime toujours ostracisée politiquement, et spoliée économiquement par le clan zaghawa de la "dynastie Déby", originaire de l'Est, et ses alliés du Nord.
Tué par des rebelles en 2021 après 30 ans de règne d'une main de fer, Idriss Déby Itno a été remplacé par l'armée par son fils Mahamat, grand favori de la présidentielle à 40 ans.
Masra, 40 ans aussi, originaire de Beboni, à moins de 100 km de Moundou où il a déclenché une véritable marée humaine en campagne fin avril, apparaît donc comme le porte-étendard de ces sudistes qui se sentent abandonnés.
Diya
Le prélat invoque aussi les différences culturelles, découlant souvent du religieux. Ainsi, l'application de la diya est très mal vécue, cette justice coutumière issue du Coran, "le prix du sang", compensation financière à la famille d'une victime d'un homicide, volontaire ou involontaire.
Les conflits entre agriculteurs autochtones et éleveurs nomades venus du Nord provoquent des affrontements très meurtriers dans le Sud, n'épargnant ni femmes ni enfants des deux camps.
Coton et pétrole
Mais les graines de la discorde sont aussi économiques.
Le Sud abrite les activités économiques les plus prospères, comme le coton et le pétrole, mais ne profite pas de leurs mannes.
A Doba, dans le Sud, d'où est extrait l'essentiel du pétrole tchadien, il n'y a quasiment pas de réseau électrique et les élèves apprennent dehors, au pied des derricks. Mais à Amdjarass, berceau des Déby dans le désert, l'électricité alimente des centaines de villas de luxe inhabitées.
Les musulmans composent un peu plus de la moitié de la population du Tchad, les chrétiens environ 40% et les animistes 10. Mais, en dehors des centres urbains du Nord, comme N'Djamena et son million et demi d'habitants, le Sud fertile est le plus densément peuplée.