"Le ramadan? Ça fait des mois qu'on le fait!": au Soudan en guerre, où plane la menace de la famine, le mois de jeûne musulman revêt une saveur amère.
Entre les tirs nourris, les frappes aériennes, les pillages et autres exécutions sommaires, il n'a plus revu ni son échoppe ni le quartier de l'est de Khartoum où elle se trouvait.
Après onze mois de combats, des milliers de morts, huit millions de déplacés, une bonne partie des infrastructures du pays réduites à néant, Mohammed Soleimane persiste à ouvrir une boutique dans sa ville d'Al-Rahed, au Kordofan-Nord, où les FSR imposent désormais leur loi.
Avec désolation, M. Soleiman affirme:
Ils font payer des taxes à tous les camions, donc les prix augmentent et il y a de moins en moins de produits qui arrivent.
Quant aux clients, ils sont de plus en plus rares, entre ceux qui ont perdu leur emploi, ceux qui se sont fait voler leurs économies dans le pillage de leur maison et ceux qui souffraient déjà de la faim avant la guerre qui déchire ce pays parmi les plus pauvres au monde.
Ni salaire ni virement
Il y a quelques semaines, le dernier filet de sécurité a sauté: les télécommunications ont subitement disparu dans plusieurs États, et avec elles, l'application de la principale banque du Soudan qui permettait de recevoir des virements, d'acheter dans des magasins ou encore d'obtenir des espèces contre un virement.
Cet instituteur de Wad Madani, au sud de Khartoum, qui, comme tous les fonctionnaires des zones de combat, a été mis au chômage technique, raconte:
Depuis onze mois, je n'ai perçu aucun salaire.
Depuis, certains ont reçu de manière irrégulière des parts minuscules de salaires, d'autres n'ont rien perçu du tout.
Enfants affamés
Dans le camp de déplacés de Zamzam, au Darfour-Nord, un enfant meurt toutes les deux heures selon Médecins sans frontières (MSF).
Il y a 10 ou 15 ans, tout appel aux dons des Nations unies aurait reçu au moins deux tiers de la somme réclamée. Aujourd'hui, l'appel pour le Soudan n'a récolté que 3% du financement demandé.
Les odeurs enivrantes des boissons rafraîchissantes concoctées spécialement pour le ramadan ne s'échappent plus d'aucune maison. Seule règne l'odeur de la poudre.