Le procès très attendu de 17 accusés, à divers degrés, de l'assassinat au Cameroun du journaliste Martinez Zogo, pourfendeur de la corruption au sommet du pouvoir et supplicié par un commando militaire en 2023, s'est ouvert lundi mais a été ajourné au 15 avril.
Un richissime homme d'affaires réputé proche de ministres et d'officiers, Jean-Pierre Amougou Belinga, le directeur d'alors du tout-puissant renseignement militaire, Léopold Maxime Eko Eko, son chef des opérations Justin Danwe ainsi que le commando de militaires accusé d'avoir enlevé, torturé et tué le journaliste en janvier 2023, sont jugés notamment pour séquestration, torture et assassinat, ou complicité de ces chefs, selon l'acte d'accusation lu devant le Tribunal militaire de Yaoundé.
Dans une salle comble, où une partie du public a dû rester debout, Amougou Belinga, le Commissaire divisionnaire Eko Eko, alors chef de la Direction Générale de la Recherche extérieure (DGRE), et le lieutenant-colonel Justin Danwe étaient présents comme les 14 autres accusés, rapporte un journaliste présent dans la salle.
La lecture de l'acte d'accusation a énuméré tous les chefs mais sans détailler qui était accusé d'avoir commis les faits ou d'en avoir été les commanditaires ou complices.
Atrocement mutilé
Calmes, les accusés n'ont montré aucun signe d'émotion particulière pendant les trois heures d'audience. Eko Eko et Amougou Belinga arboraient des costumes noirs, les militaires de la DGRE leurs uniformes de l'armée.
L'avocat de la famille Zogo, Me Calvin Job s'est insurgé:
Les parties civiles n'ont jamais été amenées à participer à l'instruction, c'est inadmissible. À ce jour, je n'ai pas eu accès au dossier.
Le commissaire du gouvernement du tribunal a promis de le lui remettre à l'issue de l'audience.
L'assassinat avait provoqué un immense choc au Cameroun où M. Zogo était très populaire, mais aussi à l'étranger, contraignant le pouvoir à accepter de mettre sous les verrous des personnalités auparavant considérées comme intouchables.
Sur un ton corrosif, Martinez Zogo n'épargnait personne au sommet du pouvoir, sauf M. Biya et sa famille, une ligne rouge dans les médias.
Pourfendeur des puissants
Il dénonçait particulièrement, au micro de son émission "Embouteillage", sur la radio Amplitude FM, de présumées affaires de corruption avec pour cible favorite Amougou Belinga, propriétaire de nombreux groupes dans les domaines de la banque, des finances, de l'assurance, de l'immobilier et des médias, tous réputés en faveur du pouvoir.
Amougou Belinga est connu pour être très proche des ministres et protégés du président, dont certains réputés être des prétendants à la succession du patriarche. Et eux-mêmes rivaux du secrétaire général de la Présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh, dont le nom est également avancé comme un dauphin possible.