Afrique du Sud: la terreur des gangs liés à l'or, enjeu électoral

12:2315/05/2024, Çarşamba
MAJ: 15/05/2024, Çarşamba
AFP
Des collègues de mineurs participant à une manifestation souterraine sont assis à proximité du puits nord de la mine de platine de Bafokeng Rasimone, près de Rustenburg, le 19 décembre 2023.
Crédit Photo : PHILL MAGAKOE / AFP (Archive)
Des collègues de mineurs participant à une manifestation souterraine sont assis à proximité du puits nord de la mine de platine de Bafokeng Rasimone, près de Rustenburg, le 19 décembre 2023.

Lutho Makheyi, 21 ans, n'est pas tranquille. Dans son bidonville à l'ouest de Johannesburg, "tu ne sais jamais quand tu vas te prendre une balle perdue ou te faire violer". Ici, le crime organisé, lié aux gangs contrôlant l'exploitation minière clandestine, explose.

À moins de trois semaines des législatives du 29 mai, l'insécurité, le chômage endémique (près de 33 %) et la corruption demeurent parmi les principales préoccupations des Sud-Africains.


Dans cette zone parsemée de terrils, puits et tranchées, à dix km de la capitale économique sud-africaine, fondée par la ruée vers l'or de la fin du 19e siècle, des factions rivales s'affrontent pour récupérer les restes de minerai d'or.


"Un ami s'est fait tuer dans une fusillade. C'est traumatisant, tu ne sais pas si tu seras en vie demain",
dit la jeune femme.

En face de la banlieue ouvrière de Riverlea, le bidonville de Zamimpilo réunit des centaines de cabanes en tôle et en bois. Des mineurs clandestins, surnommés
"zama zamas"
ou
"ceux qui essaient encore"
en zoulou, y vivent, aux côtés de familles qui attendent un logement social depuis des années.

L'un de ces mineurs, couvert de sable et une torche sur la tête, passe à côté de Nobukho Novokoza, terrorisée, qui s'inquiète de l'impact de ces violences sur ses enfants.
"Ma fille, qui a 17 mois, se met à l'abri quand elle entend des coups de feu. Elle me dit 'Maman, baisse-toi'".

Le jour du vote, cette femme de 38 ans ne fera pas le déplacement. Elle n'en voit pas l'intérêt.


Au centre du campement, un bout de terre qui sert de décharge, où mangent de gros cochons. Des enfants jouent autour.


Promesses faciles


Il y a quelques mois, le ministre de la Police s'est rendu sur place après la découverte de plusieurs corps, promettant de s'attaquer à l'insécurité.


Depuis,
"rien n'a changé, des policiers ont été déployés pendant trois mois mais l'exploitation minière clandestine a continué... sous leurs yeux",
raconte Nokuzola Qwayede, 42 ans.

La semaine dernière, un raid policier a fait un flop. Les "zama zamas", prévenus, avaient fui.


La police a arrêté des milliers de suspects l'an dernier, dont beaucoup d'étrangers. Et le gouvernement se dit
"gravement préoccupé par ce fléau".
Il cherche à fermer les puits abandonnés pour limiter les risques, allant jusqu'à déployer des militaires, insiste un porte-parole du ministère des Minéraux.

"Selon nos informations, certains hommes politiques sont derrière ces activités illégales",
assure Dale McKinley, chercheur spécialiste à l'Université de Johannesburg, estimant que le problème n'est pas près de disparaître.

Selon lui, une partie des mineurs clandestins travaillaient autrefois pour des compagnies minières qui ont fermé.


Racket en chapeaux larges


A Riverlea, Anthony Sherman raconte voir souvent des hommes portant de larges chapeaux, en voitures de luxe garées près des puits, semblant collecter de l'argent.


"La vraie solution serait de démanteler Zamimpilo",
dit ce responsable religieux, pour
"éliminer les bagarres incessantes"
et
"sécuriser la population".

L'Afrique du Sud connaît l'un des taux de criminalité les plus élevés au monde. Et l'opposition, à l'approche des législatives, reproche cette faillite majeure à l'ANC au pouvoir.

En veste sale et déchirée, un "zama zama"
,
qui dit s'appeler Thobani, a le corps couvert de cicatrices, y compris une plaie ouverte au mollet. Il refait surface après une semaine, pour se ravitailler.

"Tant de gens meurent"
dans la profondeur des puits abandonnés.
"J'ai peur",
confie-t-il. Mais le business est florissant. Récemment son
"groupe"
a déniché de l'or pour une valeur de 2.000 euros, qu'ils se sont partagés.

Ils versent de l'argent à des gangs armés qui disent assurer leur sécurité mais qui, en réalité, les rackettent. Certains se font tuer s'ils refusent de payer.

D'autres se font aussi racketter sous terre par des hommes de main, qui partent avec le minerai, fruit de leur labeur.


Mais
"pour l'instant, je continue",
dit Thobani en haussant les épaules.

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