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Pourquoi le plastique à usage unique reste incontournable ?

Les défis de la réduction du plastique à usage unique perdurent, malgré les efforts mondiaux pour un traité contre la pollution.

15:15 - 16/09/2024 lundi
AFP
Des travailleurs trient les déchets plastiques dans une décharge à Mumbai, le 13 septembre 2024.
Crédit Photo : Indranil Mukherjee / AFP
Des travailleurs trient les déchets plastiques dans une décharge à Mumbai, le 13 septembre 2024.

Chaque année, 400 millions de tonnes de déchets plastiques sont produites dans le monde, dont une grande partie est jetée après seulement quelques minutes d'utilisation.


Les négociateurs espèrent conclure en 2024 un premier traité mondial contre la pollution plastique. Cependant, dans cinq pays très différents, le plastique à usage unique reste extrêmement populaire, en raison de son faible coût et de sa praticité, illustrant ainsi les défis à venir.


Pollution plastique en Thaïlande


Dans une rue de Bangkok, bordée de vendeurs ambulants, les clients font la queue pour les célèbres gourmandises traditionnelles de Maliwan.


Des gâteaux cuits à la vapeur, verts grâce aux feuilles de pandan ou bleus grâce aux pois papillon, sont placés dans des sacs en plastique transparent, à côté de rangées de pudding au taro dans des boîtes en plastique.


Ce petit commerce, fondé il y a 40 ans, utilise chaque jour au moins deux kilos de plastique à usage unique.


"Le plastique est simple, pratique et bon marché
", explique la propriétaire, Watchararas Tamrongpattarakit, 44 ans.

Les feuilles de bananier, autrefois courantes, sont devenues plus chères et difficiles à trouver, en plus d'être contraignantes à utiliser, car chaque feuille doit être nettoyée et vérifiée pour s'assurer qu'elle n'est pas déchirée.


La Thaïlande avait commencé à limiter les plastiques à usage unique avant la pandémie de Covid-19, en demandant aux grands détaillants de ne plus distribuer de sacs gratuits.

Mais cette politique est restée largement lettre morte et les vendeurs ambulants de produits alimentaires ne l'ont guère adoptée.


La Thaïlande produit deux millions de tonnes de déchets plastiques par an.
La Banque mondiale estime que 11 % de ces déchets ne sont pas collectés et sont brûlés, jetés à même le sol ou déversés dans les rivières et les océans.

Watchararas s'efforce de regrouper les achats dans un nombre réduit de sacs, et certains clients apportent leurs propres récipients et sacs réutilisables.


Mais Radeerut Sakulpongpaisal, cliente de Maliwan depuis 30 ans, trouve le plastique
"pratique",
bien qu'elle comprenne aussi
"l'impact sur l'environnement".

Le Nigéria confronté à la pollution plastique


Sur le marché d'Obalende, au cœur de Lagos, capitale économique du Nigeria, des sachets d'eau vides jonchent le sol.


Chaque jour, Lisebeth Ajayi voit des dizaines de clients déchirer avec leurs dents les sachets d'
"eau pure"
avant de les boire.

"Ils n'ont pas les moyens d'acheter de l'eau en bouteille"
, explique cette femme de 58 ans, qui vend des bouteilles et des sachets d'eau, ainsi que du savon et des éponges.

Deux sachets de 500 ml se vendent entre 50 et 250 nairas (2-13 centimes d'euros), contre 250 à 300 nairas pour une bouteille de 750 ml.


Depuis leur apparition dans les années 1990, les sachets d'eau sont devenus un polluant majeur en Afrique, mais ils restent populaires pour boire, cuisiner et se laver.

Quelque 200 entreprises produisent des sachets à Lagos, et bien que plusieurs centaines d'autres recyclent le plastique, la majorité des déchets finit sur le sol dans un pays où les poubelles publiques sont rares et où l'éducation à l'environnement est peu développée.


Lagos a interdit le plastique à usage unique en janvier, mais l'impact reste limité.

Les Nations unies estiment que jusqu'à 60 millions de sachets d'eau sont jetés chaque jour au Nigeria.


Brésil: Rio de Janeiro et ses plages de plastique


Chaque jour, des vendeurs arpentent le sable de certaines des plus belles plages de Rio de Janeiro, au Brésil, transportant des récipients métalliques remplis de maté, une boisson semblable au thé.


Le breuvage glacé, infusé de jus de fruits, est servi dans des gobelets en plastique aux adeptes du bronzage le long du front de mer.


"Boire du maté fait partie de la culture de Rio"
, raconte Arthur Jorge da Silva, 47 ans, tout en cherchant des clients.

Il reconnaît l'impact environnemental de ses tours de gobelets en plastique, dans un pays qui était classé quatrième producteur de déchets plastiques en 2019.

Mais
"c'est compliqué"
de trouver des alternatives abordables, dit-il.

Les vendeurs de maté sur la plage utilisent du plastique depuis aussi longtemps qu'il s'en souvienne.


Il paie un dollar pour une tour de 20 gobelets et fait payer 1,80 dollar par boisson.


Les poubelles le long des plages de Rio collectent environ 130 tonnes de déchets par jour, mais le plastique n'est pas trié, et seuls 3 % des déchets brésiliens sont recyclés chaque année.


Evelyn Talavera, 24 ans, affirme qu'elle fait de son mieux pour nettoyer lorsqu'elle quitte la plage.
"Nous devons prendre soin de notre planète, jeter les déchets, garder l'environnement propre."

Les pailles en plastique sont interdites dans les restaurants et bars de Rio depuis 2018, et les magasins ne sont plus obligés de fournir des sacs en plastique gratuitement, bien que beaucoup le fassent encore.


Le Congrès brésilien envisage également une législation qui interdirait tout plastique à usage unique.


Paris: le sachet plastique fait de la résistance


En France, dans un pays qui interdit depuis plusieurs années de nombreux objets en plastique, les gobelets, pailles et fourchettes en plastique ont quasiment disparu. Mais un article résiste: le sac.


"Un sac ? Et voilà".
Sur le marché d'Aligre, à Paris, les étals présentent tous des fruits, des légumes et une flopée de sacs plastiques.

Laurent Benacer, maraîcher depuis 35 ans, se fournit
"par cartons de 2.000 à 24 euros l'unité, cela me dure une semaine".

La plupart sont estampillés
"réutilisables et 100 % recyclables"
. Si les sacs plastiques à usage unique sont interdits en France depuis 2016, les sacs réutilisables (en plastique légèrement plus épais),
"biosourcés"
ou compostables sont encore autorisés.

"Le biosourcé (à base de matières premières naturelles) n'a aucun intérêt. Ce qui est important, c'est la biodégradabilité en conditions naturelles"
, explique Nathalie Gontard, de l'Institut national de la recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae).

Sur le marché, commerçants et riverains se renvoient la responsabilité.
"À Paris, tout le monde nous demande des sacs. J'avais arrêté, mais comme les voisins ont continué, j'ai dû reprendre"
, se désole Laurent Benacer.

Les alternatives existent, comme les poches en papier kraft. Mais
"le sac plastique reste pratique, pour ne pas tout éparpiller"
, résume Catherine Salé, riveraine de 80 ans.

Dubaï, record de la pollution plastique par habitant


Au restaurant Allo Beirut, à Dubaï, les contenants en plastique s'entassent, prêts à être remplis et livrés.


"Nous recevons plus de 1.200 commandes par jour",
explique Mohammed Chanane, responsable des livraisons, précisant utiliser
"des boîtes en plastique car elles sont plus hermétiques et conservent mieux les aliments".

Avec peu de piétons et un climat souvent brûlant, les 3,7 millions d'habitants de Dubaï dépendent de la livraison pour tout, de l'essence au café.


Les habitants des Émirats arabes unis produisent l'un des plus grands volumes de déchets par habitant au monde, et le plastique à usage unique représente 40 % du total.

Depuis juin, les sacs en plastique à usage unique et plusieurs articles similaires sont interdits. Les récipients en polystyrène seront interdits l'année prochaine.


Allo Beirut envisage d'utiliser des contenants en carton, une initiative que Youmna Asmar, une cliente, soutiendrait.


Elle avoue être horrifiée par l'accumulation de plastique dans ses poubelles après un week-end de commandes
. "Je me dis que si tout le monde fait pareil, c'est énorme"
, soupire-t-elle.

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