Venezuela: Un magnat du pétrole en prison

12:2111/04/2024, jeudi
AFP
L'ancien ministre vénézuélien du pétrole, Tareck El Aissami, escorté par des membres de la Police Nationale Anti-Corruption lors de son arrestation, à Caracas.
Crédit Photo : Bureau du Procureur Public Vénézuélien / AFP
L'ancien ministre vénézuélien du pétrole, Tareck El Aissami, escorté par des membres de la Police Nationale Anti-Corruption lors de son arrestation, à Caracas.

Tareck El Aissami, autrefois l'un des hommes les plus puissants du Venezuela, est désormais en prison, accusé d'être au cœur d'un vaste réseau de corruption dans l'industrie pétrolière. Son arrestation marque la fin d'une époque politique marquée par des scandales et des luttes de pouvoir.

Au sommet de sa gloire, Tareck El Aissami était l'un des hommes les plus puissants du Venezuela, proche du défunt président Hugo Chavez puis de son successeur Nicolas Maduro.


Arrestation


El Aissami, âgé de 49 ans, a été appréhendé mardi matin à Caracas. Le procureur général Tarek William Saab a présenté des photos et des vidéos de l'ancien ministre menotté, en T-shirt noir, escorté par deux policiers cagoulés. Simon Zerpa, ancien ministre de l'Économie, et Samark Lopez,
"opérateur financier"
, ont également été arrêtés. Ils encourent tous trois jusqu'à 30 ans de prison pour "trahison, détournement de biens publics, trafic d'influence, blanchiment d'argent et association de malfaiteurs".

Selon la presse, ils auraient détourné plus de 15 milliards de dollars du géant pétrolier public Petroleos de Venezuela (PDVSA).

Le Mystère


El Aissami avait disparu de la vie publique après sa démission en mars 2023, lorsque le scandale a éclaté. Des fonctionnaires et des employés de son entourage au sein de PDVSA et d'organismes d'État liés aux transactions de cryptomonnaie avaient déjà été arrêtés. Les rumeurs évoquaient sa mort ou sa fuite dans des paradis fiscaux.


"Chaque chose en son temps, le temps est venu"
, a déclaré mardi M. Saab, commentant l'absence d'information pendant plus d'un an, puis son arrestation.

Pour Luis Salamanca, docteur en sciences politiques, le pouvoir cherche un effet électoral pour secouer l'électorat chaviste à moins de quatre mois de la présidentielle du 28 juillet.
"Maduro, qui brigue un troisième mandat de six ans, n'a pas de base solide"
, estime-t-il. La lutte contre la corruption et l'impunité, avec le symbole de la chute d'une célébrité, devrait être l'un des thèmes de la campagne de Maduro. D'autres experts s'accordent à dire que le "Tareckazo", surnom donné par la presse vénézuélienne à cette affaire, fait partie d'une purge.

Par ailleurs, des experts soulignent que l'émergence du gang criminel Tren de Aragua remonte à l'époque où El Aissami était gouverneur de l'État d'Aragua (2012-2017). Le procureur n'a pas évoqué ces liens présumés avec le groupe devenu l'une des plus grandes organisations criminelles d'Amérique latine.


La Trame


Le pouvoir vénézuélien s'est tourné vers les cryptomonnaies pour contourner les sanctions financières américaines et l'embargo pétrolier. En 2020, le gouvernement a fait adopter une loi permettant de contourner certaines règles juridiques sans avoir à rendre de comptes. À l'époque, des experts avaient prévenu contre la suppression de ces garde-fous, offrant un terrain propice à la corruption.


Parlant de "mafia", Saab assure que El Aissami et ses acolytes vendaient le pétrole en devises puis les convertissaient en cryptomonnaie dans des sociétés-écran pour rendre le détournement indétectable pour les organes de contrôle.


Selon Transparencia Venezuela, PDVSA a perdu près de 17 milliards de dollars dans les activités de cryptomonnaie entre 2020 et 2023.

"Il a commencé à traiter directement, sans aucune démarche administrative, les cargaisons de pétrole"
, a dit M. Saab, parlant de
"millions de dollars" "en espèces et en or"
, emportés dans des
"valises"
à l'étranger.

Attaque-Défense


Lorsque les États-Unis ont accusé El Aissami de trafic de drogue en 2020, le parlement, contrôlé par l'opposition mais privé de pouvoir, avait ouvert une enquête contre El Aissami et Samark Lopez, mais le processus avait été bloqué par la justice. Freddy Guevara, un ancien député de l'opposition, a écrit:
"Ils ont défendu les deux, ils nous ont attaqués pour les deux".

"À cette époque, les grands hiérarques, parmi lesquels ceux qui sont détenus aujourd'hui, bénéficiaient d'une grande protection"
, explique Giulio Cellini, directeur du cabinet LOG Consultancy.

En 2022, El Aissami avait lui-même soutenu Saab dans une enquête contre l’ancien ministre Rafael Ramirez pour une
"méga-fraude"
de 4,85 milliards de dollars. Il s'était alors montré en public portant un dossier:
"Affaire de corruption Rafael Ramirez et autres"
.

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