Le tremblement de terre survenu au Maroc et l'ouragan qui a frappé la Libye soulèvent de nombreuses questions en Tunisie sur la capacité du pays à faire face à toute situation d'urgence, en raison notamment des défaillances de son infrastructure.
Les catastrophes naturelles enregistrées dans les pays voisins, en raison du changement climatique, ont fait craindre aux Tunisiens que leur pays soit exposé à de telles tragédies compte tenu notamment de la sécheresse qui sévit dans le pays, des incendies qui ont ravagé certaines de ses forêts l'été dernier et du tremblement de terre
enregistré dernièrement.
Le 20 septembre dernier, la Tunisie a enregistré un séisme de magnitude 3,8 au large des villes de Monastir et de Sousse (est), n'ayant pas occasionné de pertes humaines ni de dégâts matériels notables.
La Tunisie n'a pas enregistré de forts séismes par le passé, le plus fort ayant été enregistré en avril dernier dans le gouvernorat de Tozeur (sud-ouest), avec une magnitude de 4,9 et n'ayant pas provoqué de pertes, selon les données de l'Institut National de la Météorologie de Tunisie.
Une zone non exposée aux tremblements de terre
Raoudha Gafrej, experte internationale en ressources hydriques et en stratégies d’adaptation au changement climatique, estime qu'
"il est difficile de prévoir la survenue de catastrophes naturelles des jours et des semaines à l'avance"
.
Gafrej a déclaré, dans une interview accordée à Anadolu, que
"la Tunisie, à la différence du Maroc, n'est pas située dans une zone sismique importante".
Selon elle,
"compte tenu des changements climatiques dont le monde entier est témoin, et notamment la Tunisie, qui a connu trois années de sécheresse, des précipitations soudaines, dont les torrents risquent de ne pas être absorbés par le sol, peuvent conduire à des inondations et à la destruction de constructions et d’infrastructures".
Elle a ajouté:
Les inondations surviennent lorsqu'il n'y a pas d'infrastructures capables d'absorber ces fortes pluies, ce à quoi le pays est confronté.
L'experte a déclaré que le problème auquel le pays est confronté
"réside dans l'incapacité à entretenir et à réhabiliter les installations hydriques, les bassins et les barrages de manière à ce qu'ils puissent absorber les eaux de pluie en vue d'une utilisation ultérieure".
Elle a cité le barrage d’Oued Mellègue (nord-ouest), le plus grand barrage du pays, qui recueille les eaux de la rivière Mellègue, un affluent de la rivière Medjerda, qui traverse la Tunisie en provenance de l'Algérie.
A cet égard, Gafrej a déclaré:
"Bien que les autorités soient en train d'achever les travaux du barrage supérieur d'Oued Mellègue, qui permettra de conserver d’importantes réserves d'eau, ses travaux durent depuis des années, et il aurait fallu les achever rapidement en prévision d'une éventuelle situation d'urgence".
Selon des sources officielles, le barrage supérieur d'Oued Mellègue permettra de recueillir des ressources en eau permettant l'irrigation de 20 000 hectares de terres agricoles aux alentours, en plus de l'exploitation d'une centrale hydroélectrique.
Le pays n'est pas en mesure de faire face aux inondations
Raoudha Gafrej a souligné que le pays se devait de se préparer à faire face à une sécheresse persistante ou à des inondations, l'état actuel des barrages ne permettant pas d'absorber les eaux de crue.
Elle a appelé à la nécessité de trouver des solutions proactives, telles que la construction de stations de dessalement de l'eau de mer.
Pour sa part, l'ingénieur en sciences de l'environnement Hamdi Hached estime que le pays
"n'est pas suffisamment préparé pour faire face aux catastrophes naturelles résultant du changement climatique. Nous n'avons pas de structures capables de faire face aux tremblements de terre"
.
Dans ce contexte, Hached considère que ce qui s'est passé au Maroc, géographiquement proche de la Tunisie,
"a créé un état de peur et un climat d'hystérie populaire chez les Tunisiens".
Et d'ajouter:
"Nous n'avons pas non plus les moyens de résister aux sécheresses et aux vagues de chaleur extrême, ni même au gel et aux inondations, et aucun plan à long terme n'a été préparé à cet effet."
L'ingénieur a déclaré que la Tunisie
"est un pays pauvre, dans lequel les plantes fruitières (fraises, oranges, raisins et olives irriguées) détruisent à long terme la nappe phréatique".
"Il n'y a donc pas de vision et de plans à long terme qui préservent ces richesses et ces ressources",
a-t-il ajouté.
"En prévision de toute inondation, le pays est censé prendre des précautions et se préparer à de fortes pluies, qui coïncident généralement avec la fin du mois d'août jusqu'au mois d'octobre, or cela n'a pas été le cas"
, a expliqué Hached.
Il a souligné que
"cette période est généralement caractérisée par des pluies torrentielles en raison du changement climatique et de la hausse continue et prolongée de la température de l'eau de mer, ce qui peut dans de nombreux cas conduire à des tempêtes dévastatrices".
Et de poursuivre:
"L'infrastructure n'est pas adaptée pour faire face à des catastrophes naturelles de grande ampleur. Certains grands pays ont adopté les normes de sécurité les plus strictes, mais n'ont toutefois pas été en mesure de gérer les tremblements de terre, les ouragans et les inondations".
Hached a souligné que
"parler de l'éventualité d'une inondation nous amène à évoquer l'état des barrages, dont certains ont été construits il y a plus de 50 ans, et qui n'ont pas été régulièrement entretenus".
"L'Etat doit développer une politique nationale et sensibiliser au danger que représentent de tels phénomènes à long terme et à la nécessité de s'y préparer et d'investir dans ce domaine"
, a déclaré le spécialiste en sciences de l'environnement.
Et de conclure:
"Il faut entretenir les installations hydriques de manière rigoureuse, afin de protéger les villes des inondations et les zones touristiques de l'élévation du niveau de la mer".
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