Ce mois a, depuis la nuit des temps, été accueilli en grande pompe, les courses faites à l'avance, de nouveaux ustensiles de cuisine achetés, les sucreries pour accompagner les soirées ramadanesques précommandées et les maisons souvent repeintes.
Cependant, ce mois sacré marqué par le jeûne quotidien du lever au coucher du soleil et la prière nocturne et célébré cette année, le 23 mars 2023, selon le Mufti de la République tunisienne, Hichem Ben Mahmoud, est accueilli avec beaucoup d'appréhension et de stress sous-jacent, alors que le pays traverse une période de crise socio-économique sans précédent et d'instabilité politique.
Pendant la journée, les marchés et les épiceries sont bondés, créant une atmosphère chaleureuse et festive, tandis qu'au cours de la soirée, ce sont les cafés et les restaurants qui prennent la relève. Les mosquées accueillent les fidèles qui affluent la nuit pour faire la prière de Tarawih et les rues sont envahies par les marchands ambulants et par les familles et les jeunes qui dégustent les pâtisseries traditionnelles le temps de quelques heures, avant l'apparition de la première lueur du soleil levant qui commence à éclairer l'horizon.
Outre le fait qu'il soit un mois de pratique religieuse, le Ramadan a toujours été une occasion d'aider son prochain, de renouer avec les plus proches et de se rassembler autour d'une même table au moment de l'appel à la prière d'al-Maghreb. De nombreuses initiatives sont, en effet, mises en place pour soutenir les familles les plus vulnérables pendant ce mois, notamment des programmes de distribution alimentaire et des campagnes de collecte de fonds engagées par les membres de la société civile, les associations et les particuliers, solidarité et compassion étant les mots d'ordre au cours de ce mois saint.
A la lumière de ces chiffres, le Tunisien sera-t-il fidèle à ses habitudes en adoptant le même comportement que celui des années précédentes en matière de consommation et ce, au dépens de son pouvoir d'achat limité ou compte-t-il s'adapter à la nouvelle conjoncture en rationalisant ses dépenses ?
En plus de la cherté de la vie qui pèse lourd sur les épaules du consommateur tunisien et la détérioration du pouvoir d'achat, une pénurie persistante de produits alimentaires vient freiner l'explosion de consommation subite constatée chaque année, avant et pendant le Ramadan. Le sucre, le café, le riz, le lait et l'huile végétale subventionnée sont quasi inexistants et le citoyen a du mal à s'en procurer pour ses besoins quotidiens. Bien que les œufs et les viandes (rouges en particulier) soient disponibles en quantités suffisantes, leurs prix ont considérablement augmenté en raison de la situation de sécheresse et de déficit pluviométrique dans le pays.
En effet, les changements climatiques ont eu un impact important sur l'agriculture en Tunisie, avec une sécheresse prolongée qualifiée de stress hydrique sans précédent (une demande en eau qui dépasse la quantité d'eau disponible) dans certaines régions, ayant affecté la production de fruits et légumes et fait qu'ils se vendent chers sur le marché. Cette situation s'explique par la diminution significative des précipitations ces derniers mois, ainsi que par l'épuisement des ressources en eau, en particulier dans les barrages et par l'exploitation incontrôlée des puits qui ont un impact considérable sur la nappe phréatique.
Je plains les plus démunis!
Deux filles, qui ont la trentaine étaient en train de discuter devant un étalage de fruits et de légumes en contemplant les prix, nous ont fait savoir qu'elles étaient colocataires et qu'elles faisaient les courses ensemble.
Ce Ramadan sera, inévitablement, différent de celui des précédentes années en raison de la conjoncture économique difficile et de la crise socio-économique et politique qui continuent d'affecter le quotidien des Tunisiens. Les prix élevés des denrées alimentaires, les difficultés financières et les préoccupations liées à la sécurité sanitaire ajoutent une pression supplémentaire sur les familles pendant ce mois sacré.
Il représente avant tout un moment de partage, de solidarité et de spiritualité aidant à renforcer les liens communautaires et à apporter une source de réconfort par ces temps difficiles. Malgré les défis à relever, le Ramadan offre l'opportunité de se concentrer sur l'essentiel et de cultiver des valeurs de générosité et de bienveillance.