Crédit photo: DENIS CHARLET / AFP
Quelques jours après son assemblée générale, TotalEnergies retrouve des militants du climat mercredi au tribunal de Paris: une coalition d'ONG et de collectivités, dont les villes de Paris et de New York, demande à la justice de contraindre le géant pétrogazier à aligner sa stratégie climatique sur l'accord de Paris.
La décision des juges sur cette question n'est pas attendue avant 2024 ou même 2025. Mais l'audience prévue devant la 5e chambre civile du tribunal judiciaire, sera, sauf nouveau report, la première occasion de voir la coalition et le groupe français aiguiser leurs arguments sur cette affaire qui remonte à juin 2019.
À long terme,
la coalition qui regroupe six ONG telles que Sherpa et France Nature Environnement, et seize collectivités, dont les villes de Grenoble, Bayonne ou Nanterre espère obtenir un jour un équivalent français de la condamnation de Shell aux Pays-Bas
. En 2021, un tribunal y avait condamné le géant pétrolier britannique à accélérer son plan de réduction d'émissions de gaz à effet de serre.
Dans l'immédiat, la coalition demande au juge de la mise en état (magistrat chargé mercredi de trancher des questions préalables à l'examen du dossier) de prendre une mesure provisoire exceptionnelle: ordonner à TotalEnergies de
"suspendre les projets d'exploration et d'exploitation de nouveaux gisements d'hydrocarbures n'ayant pas fait l'objet d'une décision finale d'investissement"
, et ce jusqu'au jugement de l'affaire sur le fond.
Pour justifier de l'urgence, la coalition invoque, entre autres, le secrétaire général de l'ONU António Guterres.
"Les producteurs d'énergies fossiles
(...)
continuent de se battre pour accroître la production, tout en sachant pertinemment que leur modèle économique est incompatible avec la survie de l'humanité"
, déclarait-il en janvier.
La coalition s'appuie aussi sur l'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui a jugé nécessaire en 2021 de cesser tout nouveau projet d'exploration d'hydrocarbures pour espérer respecter l'accord de Paris.
En face, les avocats de TotalEnergies plaideront pour contester la recevabilité de cette action judiciaire quasiment sans précédent.
La procédure a été entamée en janvier 2020 quand la coalition avait assigné en justice TotalEnergies pour manquement à "son devoir de vigilance" sur l'impact environnemental de ses activités.
Les ONG et les collectivités, socialistes ou écologistes pour la plupart, estimaient que le
publié en 2019 par le groupe ne respectait pas ce devoir, imposé depuis 2017 par une loi française pionnière sur la responsabilité des entreprises.
Pour la coalition, la stratégie climat présentée par le géant pétrolier, un des vingt plus gros émetteurs de CO2 au monde, était
"clairement insuffisante"
au regard des objectifs de l'accord de Paris de 2015, qui vise à limiter le réchauffement climatique bien en dessous de +2°C et si possible à +1,5°C par rapport à l'ère préindustrielle.
Huit mois plus tôt, conformément à la législation, la coalition a adressé une
à TotalEnergies, lui demandant de
"prendre les mesures nécessaires pour prévenir les risques majeurs liés au changement climatique
".
Depuis, la bataille procédurale s'est poursuivie en coulisse sur cette voie judiciaire en essor, mais encore balbutiante. En 2022, les villes de New York et Paris ont rejoint la coalition.
Dans une autre tentative d'exploiter cette innovation judiciaire ouverte par la loi sur le
, les ONG qui attaquaient TotalEnergies pour l'impact de son mégaprojet pétrolier Tilenga-Eacop en Ouganda et en Tanzanie, ont été déboutées en février par le tribunal de Paris.
Face aux critiques, le PDG de TotalEnergies n'a rien lâché vendredi, pendant l'assemblée générale des actionnaires à Paris.
"Notre compagnie a été la major qui a investi le plus pour construire le modèle énergétique de demain qui sera basé sur l'électricité"
, via les énergies renouvelables, s'est défendu Patrick Pouyanné, ajoutant qu'il ne pouvait réduire dans l'immédiat son activité pétrolière puisque la demande
augmente.
Dans sa stratégie actuelle, le groupe prévoit de consacrer un tiers de ses investissements aux énergies bas-carbone dans la décennie, mais il reste encore associé au pétrole et bientôt encore plus au gaz, sa priorité.
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