ÉDITION:

Thaïlande: le député progressiste Pita suspendu juste avant un vote crucial

10:0219/07/2023, mercredi
MAJ: 19/07/2023, mercredi
AFP
Crédit photo: Lillian SUWANRUMPHA / AFP
Crédit photo: Lillian SUWANRUMPHA / AFP

La Cour constitutionnelle thaïlandaise a suspendu mercredi de son mandat de député Pita Limjaroenrat, le vainqueur des élections qui fait face à l'opposition de l'armée, le jour même où le Parlement devait se prononcer sur sa nomination comme Premier ministre.

Il s'agit d'un nouveau coup de théâtre dans un royaume pris dans l'engrenage de crises politiques à répétition depuis plus de vingt ans, entre les généraux au pouvoir et des jeunes générations avides de changement.


La Cour constitutionnelle a suspendu Pita Limjaroenrat de ses fonctions de parlementaire, alors que l'intéressé assistait dans l'hémicycle aux débats sur sa deuxième candidature pour devenir chef du gouvernement.

Les juges ont suivi les recommandations de la commission électorale, qui accuse le chef de file du parti Move Forward de posséder des actions dans une chaîne de télévision au moment de la campagne électorale, ce qui est interdit par la loi thaïlandaise.


Pita s'est défendu de toute manœuvre illégale, et a rappelé que le média en question, iTV, n'émettait plus depuis 2007. Il risque un bannissement de la vie politique durant vingt ans.


La Cour constitutionnelle a écrit dans un communiqué:


Il a été ordonné que (Pita Limjaroenrat) doit être suspendu de son rôle à compter du 19 juillet.

Cette annonce fait craindre de nouvelles protestations d'ampleur, dans un royaume où interventions de l'armée et décisions de justice ont souvent perturbé le cours de la démocratie, à l'avantage des élites conservatrices royalistes.


Chances minimes


Plébiscité pour son programme de rupture, qui fait écho aux manifestations pro-démocratie de 2020, Pita Limjaroenrat incarne à 42 ans le renouveau souhaité par les Thaïlandais, après une quasi-décennie de domination par les militaires depuis le coup d'Etat de 2014.


Mais le champion de l'alternance, soutenu par une coalition majoritaire à l'Assemblée nationale, se heurte aux blocages des sénateurs nommés par l'armée qui lui reprochent un programme jugé trop radical vis-à-vis de la monarchie. 


Bien que suspendu comme député, Pita peut toujours se présenter pour devenir Premier ministre, car la loi thaïlandaise permet à des personnalités extérieures à l'hémicycle, nommées par un parti, d'être chef de gouvernement.

Rejeté une première fois par le Parlement bicaméral jeudi, il a besoin du ralliement d'une cinquantaine de sénateurs supplémentaires (sur 250) pour obtenir la majorité requise. Seuls treize d'entre eux l'ont approuvé au premier vote.


Ses chances de convaincre suffisamment de membres de la Chambre haute sont minimes, selon des analystes interrogés par l'AFP.

Certains sénateurs, échaudés par son projet de réformer la loi sur la lèse-majesté, pensent même que Pita ne devrait pas être autorisé à se présenter, en vertu du réglement qui interdit au Parlement de discuter deux fois de la même motion lors d'une session.


Pour le moment, le député Move Forward, coqueluche des nouvelles générations, est le seul candidat déclaré pour devenir Premier ministre.


"Si vous votez en accord avec la voix du peuple, qu'importe le résultat, votre nom sera gravé dans ce royaume avec beaucoup d'honneur et de fierté"
, a-t-il lancé à destination des sénateurs, sur Twitter.

En cas de deuxième défaite, il a promis samedi qu'il se retirerait au profit du parti Pheu Thai, deuxième force dans l'hémicycle et membre de la coalition pro-démocratie.


L'homme d'affaires Srettha Thavisin (60 ans), au profil plus consensuel, est le mieux placé pour prendre la suite, mais la présence de Move Forward parmi ses soutiens pourrait dissuader les sénateurs et ainsi le pousser à s'allier avec des mouvements plus conciliants avec l'armée.


Aux incertitudes politiques s'ajoutent des affaires judiciaires, qui laissent planer au-dessus de Pita la menace d'une disqualification comme une épée de Damoclès.


Risque de contestations


En plus de l'affaire liées aux actions iTV, Pita et Move Forward sont accusés de vouloir renverser la monarchie. 


Leur projet de réformer la loi controversée sur la lèse-majesté, l'une des plus sévères au monde de ce type, a provoqué de vives réactions du camp conservateur, qui les accuse de saper les valeurs traditionnelles du royaume.


La Thaïlande, où subsistent de fortes inégalités, affiche l'un des taux de croissance les plus faibles d'Asie du Sud-Est, qui appelle à des réformes structurelles d'ampleur.

Les milieux économiques s'inquiètent en cas d'instabilité prolongée, qui pourrait impacter le secteur vital du tourisme. 


Policiers, barrières et même conteneurs pour bloquer les routes... Le Parlement est quadrillé par un important dispositif de sécurité, a constaté un photographe de l'AFP sur place.


Si le parti perd à nouveau au Parlement,
"il y aura un retour de bâton, c'est certain. Il y a déjà quelques manifestations, les soutiens de Move Forward se sentent floués, volés"
, estime l'analyste politique Thitinan Pongsudhirak.

La dissolution de Future Forward en 2020, l'ancêtre de Move Forward, a conduit à des manifestations massives à Bangkok réclamant plus de démocratie et de transparence.


À lire également:



#Thaïlande
#élections
#parlement
#gouvernement
#politique
#armée

Cliquez ici pour recevoir les nouvelles les plus importantes de la journée par e-mail. Abonnez-vous ici.

En devenant membre, vous consentez à recevoir des communications électroniques de la part des sites d'Albayrak Media Group et acceptez les conditions d'utilisation et la politique de confidentialité.