RDC/Rwanda: la perspective d'une résolution de la crise dans l'est s'éloigne

17:466/10/2024, dimanche
AFP
Le président français Emmanuel Macron (R) salue le président congolais Felix Tshisekedi à son arrivée pour assister au 19e Sommet de la Francophonie à la "Cité internationale de la langue française" au château de Villers-Cotterets, dans le nord-est de la France, le 4 octobre 2024. Le président français Emmanuel Macron accueille des dizaines de dirigeants de pays francophones pour un sommet dont il espère qu'il contribuera à renforcer l'influence de la France dans un monde en proie à des crises, en particulier en Afrique. Les dirigeants se sont réunis du 4 au 5 octobre pour le sommet de la Francophonie, qui se tient en France pour la première fois depuis 33 ans.
Crédit Photo : Ludovic MARIN / AFP
Le président français Emmanuel Macron (R) salue le président congolais Felix Tshisekedi à son arrivée pour assister au 19e Sommet de la Francophonie à la "Cité internationale de la langue française" au château de Villers-Cotterets, dans le nord-est de la France, le 4 octobre 2024. Le président français Emmanuel Macron accueille des dizaines de dirigeants de pays francophones pour un sommet dont il espère qu'il contribuera à renforcer l'influence de la France dans un monde en proie à des crises, en particulier en Afrique. Les dirigeants se sont réunis du 4 au 5 octobre pour le sommet de la Francophonie, qui se tient en France pour la première fois depuis 33 ans.

Ils n'ont pas échangé un regard. Le Congolais Félix Tshisekedi et le Rwandais Paul Kagame étaient pourtant à quelques mètres l'un de l'autre, pour la "photo de famille" qui ouvrait le sommet de la Francophonie, vendredi à Villers-Cotterêts au nord de Paris.

Le lourd différend diplomatico-militaire qui oppose leurs deux pays dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) ravagé par des décennies de violences, reste vivace, malgré les espoirs de Paris de les voir se rapprocher.


La RDC, de même que le groupe d'experts de l'ONU, accusent le Rwanda d'avoir déployé des troupes en soutien au M23 ("Mouvement du 23 mars"), une rébellion majoritairement tutsi qui s'est emparée de vastes pans de territoire dans cette région riches en minerais depuis 2021.


Un temps évoquée, l'idée d'une rencontre Kagame-Tshisekedi a fait long feu. Le président français Emmanuel Macron, hôte du sommet, s'est finalement entretenu séparément avec ses deux homologues pour les
"encourager"
à conclure un accord de paix
"au plus vite",
alors que l'Angola, médiateur désigné par l'Union africaine, tente depuis des mois d'obtenir des avancées dans ce dossier sensible.

Et le sommet a bien failli finir sur un clash. A la clotûre samedi, Emmanuel Macron a appelé au
"retrait du M23 et des troupes rwandaises"
du sol congolais, comme le réclame Kinshasa. M. Tshisekedi avait claqué la porte de la plénière la veille, fâché du silence du président français sur la situation en RDC, selon une source gouvernementale congolaise.

"Plan harmonisé"


Du côté de la médiation angolaise, les discussions se heurtent à de nouveaux blocages malgré les compromis
"importants"
obtenus récemment dans la perspective d'un éventuel accord de paix, à commencer par l'accord de cessez-le-feu signé fin juillet, selon des sources rwandaise et congolaise.

Parallèlement aux discussions politiques en cours, les responsables des renseignements des deux pays se sont rencontrés en secret à plusieurs reprises en août pour établir un
"plan harmonisé"
de sortie de crise, d'après ces sources.

Ce plan, qui s'étalait sur quatre mois, consistait notamment pour les Congolais à lancer des opérations de
"neutralisation"
des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), afin de répondre aux préoccupations de Kigali. Ce groupe rebelle formé par d'anciens hauts responsables hutu du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, et réfugiés en RDC depuis, constitue aux yeux de Kigali une menace permanente.

En contrepartie, le Rwanda avait donné son feu vert à
"un désengagement des forces"
déployées dans l'est de la RDC et hostiles à Kinshasa.

L'avancée des négociations a finalement achoppé le 14 septembre, au terme d'une énième réunion entre les ministres des Affaires étrangères rwandais Olivier Nduhungirehe et congolaise Thérèse Kayikwamba Wagner.


Aller "plus loin"


Le premier, interrogé, accuse la RDC d'avoir
"tout bloqué"
pour une affaire de calendrier,
"parce que le plan harmonisé prévoyait de lancer les opérations de neutralisation des FDLR à J+25",
tandis que le retrait
"des forces"
rebelles et rwandaises devait commencer cinq jours plus tard, à J+30.

"Le plan proposé était raisonnable, c'était un bon plan",
assure M. Nduhungirehe.

"Le principe qui aurait dû être acté est celui de la simultanéité des opérations, car c'est beaucoup plus efficace",
a réagi la source gouvernementale congolaise.
"De toute façon, ce ne sont pas les experts militaires et du renseignement qui décident in fine, mais les responsables politiques".

A l'ONU le 25 septembre, le président Tshisekedi a sans surprise réclamé à la communauté internationale des
"sanctions ciblées"
contre le Rwanda, martelant que sa présence militaire sur le sol congolais est une
"agression (qui) constitue une violation majeure de notre souveraineté nationale".

"Approuver ce plan aurait été risqué politiquement pour Tshisekedi, réélu il y a un an sur un programme belliqueux vis-à-vis de Kagame et ça aurait pu être interprété par l'opinion publique comme un revirement à 180 degrés",
décrypte Onesphore Sematumba, expert pour l'International Crisis Group (ICG).

Selon lui,
"il n'y aura pas de solution purement militaire à la crise actuelle qui a provoqué une catastrophe humanitaire (avec près de 7 millions de déplacés internes, NDLR), c'est une illusion".

"Il faudra aller beaucoup plus loin que le plan harmonisé",
dit-il, et notamment aborder la question des ressources minières, objet de féroces compétitions, mais aussi du dialogue politique avec la myriade de groupes armés présents sur le terrain.

En attendant, le médiateur angolais a proposé une nouvelle rencontre interministérielle le 12 octobre. Les deux parties assurent qu'elles iront.


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