Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, président de la République Démocratique du Congo / AA
Les relations entre le Rwanda et la République démocratique du Congo ne cessent de se dégrader autour de la situation sécuritaire au Nord-Kivu. Accusé par Kinshasa, mais également par l’ONU et les Etats-Unis, de soutenir la rébellion du M23, Kigali nie en bloc et renvoie la RDC à ses propres responsabilités nationales. Si les joutes de ces dernières semaines entre les deux pays font craindre une escalade, il faut rappeler que la relation entre les deux chefs d’État était bien plus cordiale et même fraternelle au début du mandat du président congolais Félix Tshisekedi en 2019. Un temps bel et bien révolu aujourd’hui…
Paul Kagame, un « frère et partenaire fiable »
Dès son accession à la présidence de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi s’est employé à normaliser les relations avec le Rwanda. Un rapprochement jugé naïf et trop rapide par de nombreux observateurs et membres de l’opposition congolaise, le Rwanda étant pointé du doigt pour son rôle dans la déstabilisation de l’Est de la RDC depuis plus de 20 ans déjà.
Au cours d’une rencontre à Kigali en mars 2019,
l’image des deux présidents main dans la main avait fait grincer des dents à Kinshasa et suscité la polémique dans le pays sur les réseaux sociaux. Face aux critiques, Tshisekedi avait assuré qu’il considérait les pays de la région des Grands Lacs, dont le Rwanda, comme des partenaires « fiables et essentiels » pour le retour de la paix à l’Est de la RDC.
La résurgence du M23 : point de rupture entre le Rwanda et la RDC
C’est le retour de la rébellion du M23, en février 2022, qui va considérablement refroidir les relations entre les deux États. Vaincue en 2013, cette rébellion était initialement une mutinerie de soldats de l’armée congolaise appartenant à l’ethnie tutsie. Ces rebelles ont toujours été considérés comme
"le bras armé de Kigali en RDC"
. Dès la reprise des hostilités cette année, les militaires des FARDC ont signalé la présence de troupes rwandaises aux côtés du M23.
Ces accusations ont rapidement été reprises et confirmées par un rapport de l’ONU au mois d’août 2022, avant que le gouvernement américain ne somme le Rwanda, en octobre 2022, de cesser d’apporter tout soutien au M23. Ce même rapport- il faut bien le mentionner- accable également la partie congolaise. Il soutient que certains membres de l'armée congolaise ont soutenu et combattu aux côtés d'une coalition de groupes armés, dont les FDLR.
« En dépit de ma bonne volonté et de la main tendue du peuple congolais pour la paix, certains de nos voisins n’ont trouvé mieux que de nous remercier par l’agression et le soutien des groupes armés terroristes qui ravagent l’est de la République démocratique du Congo », avait-il ainsi déclaré. « C’est le cas actuellement du Rwanda, qui, au mépris du droit international, de la charte de l’ONU […] a une fois de plus agressé en mars dernier la République démocratique du Congo par des incursions directes de ses forces armées »
Dans cette escalade verbale qui s’étend depuis plusieurs mois maintenant, le président rwandais Paul Kagame a récemment renvoyé son homologue congolais à ses propres responsabilités. S’exprimant le 30 novembre face à ses parlementaires, le président rwandais a accusé Tshisekedi d’instrumentaliser la situation sécuritaire afin d’organiser le report des élections présidentielles et législatives prévues à la fin de l’année 2023.
« Ce problème peut être résolu si un pays étranger qui se dirige vers des élections l’année prochaine n’essaie pas de créer des motifs d’urgence pour qu’elles n’aient pas lieu »
, a-t-il ainsi déclaré.
Paul Kagame en a également profité pour remettre en cause la légitimité du mandat de Tshisekedi, en indiquant que ce dernier n’avait pas gagné l’élection de 2019. Pour rappel, l’opposant et candidat malheureux du dernier scrutin, Martin Fayulu, continue aujourd’hui encore de revendiquer la victoire et le mandat de président de la République démocratique du Congo.
« Il y a la RDC, le M23, le FDLR, la MONUSCO, la communauté internationale, les émissaires… Nous sommes nombreux à pouvoir faire quelque-chose ».
Le Congo en « libérateur » du peuple rwandais ?
Ce 4 décembre, face à une délégation de jeunes congolais venus le rencontrer à Kinshasa, le président Felix Tshisekedi s’en est durement pris au pouvoir rwandais et à son rôle dans la guerre qui sévit à l’Est du pays. Le chef de l’État congolais, tout en invitant à ne pas faire l’amalgame entre la population rwandaise et le régime, a vivement critiqué Paul Kagame en le présentant comme
« un faiseur de guerre ».
C’est dans ce contexte que le Kénya, à travers son « facilitateur », l’ancien président Uhuru Kenyatta, et l’Angola de Joao Lourenço, vont désormais tenter d’amener Paul Kagamé et Félix Tshisekedi à aplanir leurs positions et à éventuellement trouver un réel terrain d’entente.
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