Sur le toit de son hôtel abandonné, Alekseï Verechaguine en est certain : bientôt, des touristes y siroteront des cocktails avec vue sur Priozersk, une ancienne ville secrète du Kazakhstan qui aspire à devenir une station balnéaire, malgré la proximité de sites militaires russes.
Faute d'investisseurs, M. Verechaguine refait seul, une par une, les fenêtres des 150 chambres. L'enseigne, "Hôtel Russie", a été retirée, mais on trouve encore, posées sur le toit, les lettres qui la composaient, ainsi qu'un immense portrait rouillé de Lénine.
Cette zone militaire, au cœur de cette ex-république soviétique grande comme cinq fois la France, a vu le jour en 1956, en pleine guerre froide, pour protéger l'URSS de frappes balistiques nucléaires américaines.
Les références à cette époque, pas si révolue au vu des tensions actuelles entre Washington et Moscou, sont partout à Priozersk, comme ces copies grandeur nature de radars ou de missiles sol-air S-75, au centre et à l'entrée de la ville, à côté d'affiches décrépies à la "gloire du bouclier antimissile de la patrie".
Si l'URSS s'est effondrée en 1991 et les barrières du poste de contrôle à l'entrée de Priozersk sont désormais ouvertes, les militaires sont restés.
La Russie affirme disposer autour de Priozersk d'une "infrastructure développée pour tester les équipements de défense stratégique", dont les missiles balistiques intercontinentaux.
Malgré cet environnement inhabituel, le maire Mansour Akhmetov en est convaincu : sa ville deviendra bientôt une station balnéaire.
Priozersk compte déjà plusieurs petits hôtels, accueillant pêcheurs et touristes en ces premiers jours d'été.
L'image de carte postale est cependant vite écornée: aux abords immédiats du lac, le regard se pose sur une usine de ciment détruite, où subsistent quelques slogans communistes anachroniques, que la mairie souhaite raser.
"A Priozersk, les emplois sont rares et principalement liés à l'armée. Ma mère est militaire, j'étais sous-officier de police", raconte Aïjan Moussina, réceptionniste.
"Mais mon salaire (environ 250 euros) était insuffisant, alors je suis venue travailler au sanatorium", poursuit la jeune femme, payée 370 euros.
Aïjan, née à l'époque où la ville était fermée, veut croire à l'ouverture touristique de Priozersk.