Condamnée à trois ans de prison, Amira Zaiter dénonce "une sanction politique"

16:3411/11/2024, lundi
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La militante pro-palestinienne, Amira Zaiter.
Crédit Photo : @amirazait / X
La militante pro-palestinienne, Amira Zaiter.

Après 46 jours passés en détention pour de simples publications en ligne, Amira Zaiter, militante de la cause palestinienne a finalement été libérée le 4 novembre courant après que le tribunal correctionnel de Nice l'a condamnée à une peine de 3 ans de prison dont un an ferme aménageable avec bracelet électronique.

La sanction, qui est allée au-delà des réquisitions du parquet qui réclamait 30 mois de prison dont 18 avec sursis, a choqué par sa sévérité.


Dans un entretien exclusif accordé à Anadolu, la jeune femme est revenue sur son incarcération, qu'elle considère
"disproportionnée et injuste"
, ainsi que sur la manière dont elle a vécu
"cet acharnement politique".

Organisatrice de plusieurs manifestations pro-palestiniennes à Nice, après le 7 octobre 2023, Amira Zaiter est bien connue des sphères militantes azuréennes et a déjà été particulièrement médiatisée après avoir été placée en garde à vue à l'automne 2023 pour avoir organisé une manifestation que le préfet (multi-condamné par la justice administrative) avait choisi d'interdire.


Incarcérée le 19 septembre et après avoir vu toutes ses demandes de remise en liberté être refusées les unes après les autres, elle a été jugée le 21 octobre par le tribunal correctionnel de Nice.

Pendant les 20 premiers jours de ma détention, je n'ai pas eu le droit d'avoir des contacts avec ma fille de 12 ans.

"Je ne comprends ni cet acharnement, ni le traitement qui m'a été réservé"
, explique l'élève infirmière.

Elle ne comprend pas
"en quoi (elle) représentait un quelconque danger"
ni
"ce qui justifie l'incarcération avant même d'avoir été jugée".

Dans la peine qui m'a été infligée, il y a une volonté de détruire toute ma vie.

Et de poursuivre: "Trois ans de prison dont un an ferme à effectuer sous bracelet, plus de 10 000 euros à payer aux parties civiles alors que je suis étudiante et perçoit moins de 1 000 euros mensuels pour ma fille et moi, et enfin la publication, à mes frais, de ma condamnation dans Le Monde et Nice-Matin"
, relate la mère de famille, qui estime que
"c'est du jamais vu".

Elle considère, par ailleurs, que dans la procédure judiciaire qui la vise
"les éléments qui auraient pu jouer en (sa) faveur, n'ont pas été mis en avant"
, comme, par exemple,
"le rapport d'expertise psychiatrique"
qui notait toutes ses
"qualités, et ne relevait aucune dangerosité ou risque de violence".

"Je sais que j'ai commis des erreurs dans ma manière de m'exprimer. Prise par l'émotion et par les images quotidiennes du massacre à Gaza, j'ai été dépassée, mais je juge que la façon dont j'ai été traitée par le système judiciaire n'est pas digne. Tout est disproportionné. On m'a fait un procès politique, et on m'a donné une peine politique",
conclut Amira Zaiter.

De fait, elle va faire appel de cette lourde condamnation dans les prochains jours et entend soulever de nombreux arguments dans cette nouvelle procédure.

De son côté, son nouvel avocat, Maître Rafik Chekkat, est longuement revenu, sur la manière dont sa cliente a été traitée, dans une publication sur le réseau social X.


"Mme Zaiter a été incarcérée pendant 46 jours pour des posts sur la situation à Gaza. Durant les 20 premiers jours, on l'a privée du droit de parler à sa fille, même par téléphone. Pendant toute cette période, beaucoup de choses fausses ont été dites sur elle, y compris par le maire de Nice. Elle a été harcelée, calomniée et diffamée par de nombreuses personnes et collectifs qui devront répondre de leurs actes devant les tribunaux"
, a-t-il promis.


Il assure, néanmoins, que depuis sa sortie, elle
"reçoit beaucoup de témoignages de soutien, tant sa situation a ému et scandalisé quantité de personnes".

Pour rappel, Amira Zaiter comparaissait devant le tribunal correctionnel de Nice au cours d'une audience tendue à laquelle a assisté la correspondante d'Anadolu.


Pendant plusieurs heures, elle a longuement répondu aux questions du Président du tribunal correctionnel, de ses deux assesseurs, de la procureure, mais également des avocats du CRIF (Conseil représentatif des instituons juives), de la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme), d'Ilan Choucroun (soldat niçois engagé dans les rangs de l'armée israélienne), et de l'OJE (Organisation juive européenne) qui se sont constitués partie civile.


Elle a eu l'occasion d'exprimer ses regrets quant à la manière, parfois virulente, dont elle a réagi à l'émotion face aux attaques israéliennes qui s'abattent quotidiennement sur Gaza depuis l'attaque du 7 octobre.


"Le moteur c'est le génocide en cours, parce qu'il y a un génocide à Gaza et l'émotion. Je ne vise que le sionisme"
, a-t-elle répondu au parquet qui la questionnait sur les motivations de son engagement.

Et de poursuivre en réponse aux questions de son avocat:
"Cette guerre a fracturé notre société".

J'aurais voulu un hommage commun aux victimes civiles du 7 octobre et aux victimes palestiniennes à Nice mais seul un hommage aux victimes israéliennes a été organisé.

"C'est dommage. On a besoin de paix, d'apaisement. Même sur la façade de la mairie de Nice, le drapeau israélien est accroché. On aurait pu mettre aussi le drapeau palestinien".

En toute fin d'audience, alors que le président lui redonnait la parole pour une ultime intervention, la jeune soignante a rappelé avec une vive émotion qu'un
"génocide est en cours à Gaza"
et que face à cette situation, elle a
"voulu continuer"
malgré
"les intimidations nombreuses"
et
"les agressions".

Parmi les publications incriminées qui ont valu à Amira Zaiter d'être mise en détention, figurent des messages dans lesquels elle rendait hommage aux dirigeants du Hamas, Ismaïl Haniyeh et à son successeur Yahya Sinouar, qu'elle qualifiait de
"nouveau visage de la résistance"
à l'été dernier.

"11 mois de génocide, 11 mois que le drapeau de la honte flotte sur le fronton de la mairie, 11 mois qu'ils nous bercent avec le 7 octobre. Le 7 octobre était de la légitime défense. Le Hamas n'a pas terminé son travail"
, avait-elle notamment écrit le 7 septembre 2024 tandis que le 27 août elle publiait la photo d'un homme, torse nu, arborant un keffieh palestinien sur la tête et qui lui vaut aujourd'hui d'être accusée d'apologie d'acte de terrorisme.

Après avoir reconnu des formulations parfois maladroites, elle a expliqué qu'elle n'était en rien
"antisémite ou anti juive"
, mais qu'elle s'opposait
"au sionisme"
qu'elle décrit comme un courant politique qui vise à
"éradiquer le peuple palestinien".

À la fin d'une audience très politique, y compris après que les avocats des parties civiles s'en sont ouvertement pris à Maître Guez Guez, ce dernier a réclamé la relaxe de sa cliente en faisant la démonstration que la majorité de son propos relève du débat public et justifiant de la faible portée des publications de sa cliente qui ne compte que 500 abonnés sur X.


Alors même que le parquet ne réclamait pas de maintien en détention dans ses réquisitions, le président a décidé qu'elle resterait en prison jusqu'au 4 novembre, date à laquelle le délibéré a été rendu, permettant finalement sa libération.


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