Anadolu a interrogé Mathilde Panot, ce mardi, sur les contradictions potentielles dans les politiques étrangères de pays qui, d'une part,
ou
"expriment leur préoccupation"
concernant les attaques meurtrières d'Israël contre la population civile de l'enclave palestinienne, mais d'autre part poursuivent leurs ventes d'armes à ce pays.
Incompatibilité avec la Convention sur les génocides
"La France, en premier lieu"
, a-t-elle déclaré,
"doit faire un moratoire et arrêter la livraison et la fourniture d'armes à un gouvernement qui commet des massacres et des crimes de guerre, considérés par la Cour internationale de Justice avec un risque génocidaire".
Panot a souligné l'incompatibilité de cette pratique avec la Convention de 1948 sur la prévention et l'interdiction des génocides et a insisté sur l'importance d'un cessez-le-feu.
La Convention sur le génocide, un traité historique en matière de droits humains, a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1948. Cette convention marque la première fois où le crime de génocide a été formellement défini et codifié dans le droit international. Elle symbolise la détermination de la communauté internationale à empêcher la répétition d'atrocités similaires à celles perpétrées durant la Seconde Guerre mondiale, affirmant un engagement collectif de l'humanité à prévenir et à punir le crime de génocide.
Faisant état d'une contradiction entre les
exprimées par l'Exécutif français sur les bombardements israéliens et la poursuite de la vente d'armes vers ce pays, la députée Insoumise a souligné:
Lorsque vous voyez les attaques sur Rafah, sur lequel se conforte une intention génocidaire, évidemment, il faut que la France non seulement parle haut et fort sur le cessez-le-feu, mais arrête totalement la fourniture d'armes.
Exportations françaises d'armes vers Israël
Selon le rapport 2023 soumis par le ministère français des Armées en juillet 2022 au Parlement, la France a exporté près de 200 millions d'euros d'armement à Israël entre 2013 et 2022, faisant de Paris l'un des plus grands exportateurs d'armes à Tel Aviv, après les États-Unis qui constituent la première source étrangère d'approvisionnement pour Israël.
Selon le rapport du ministère des Armées, les armes exportées par la France à Israël incluent des
"bombes, torpilles, roquettes, missiles, autres dispositifs et charges explosifs et matériels et accessoires connexes comme suit et leurs composants spécialement".
À cette liste s'ajoutent également des systèmes de haute technologie de guidage des missiles et des bombes, ainsi que des pistolets mitrailleurs.
En outre, selon une déclaration du ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, à des journaux du groupe Ebra, la France et Israël entretiennent également une coopération militaire qui repose sur des échanges de renseignement, notamment dans la lutte anti-terroriste.
Dans sa réponse à Anadolu, ce mardi, Mathilde Panot a également critiqué le rôle des États-Unis dans ce conflit, indiquant que le
"gouvernement d'extrême droite de Netanyahu"
ne pourrait pas maintenir son offensive sans les armes américaines.
Panot a salué les efforts du mouvement de paix aux États-Unis, qui
"tente, par tous les moyens possibles,
d'empêcher des départs de livraisons d'armes".
Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), les États-Unis, premiers exportateurs d'armes vers Israël, devant l'Allemagne et l'Italie, ont représenté 70,2 % des importations israéliennes d'armes conventionnelles majeures en 2011 et 2020.
À l'automne dernier, dans le contexte du conflit armé au Proche-Orient, et suite à la demande du président Joe Biden, le Congrès américain a approuvé des ventes supplémentaires d'armes à Israël, d'un montant de 14,3 milliards de dollars, au-delà des 3,8 milliards de dollars d'aide militaire annuelle que Washington fournit déjà à ce pays.
Depuis une attaque du groupe palestinien Hamas le 7 octobre dernier, qui a tué environ 1 200 personnes, la série d'attaques israéliennes contre la bande de Gaza a tué environ 28 500 personnes, en blessant plus de 68 000 autres, des femmes et des enfants pour la majorité d'entre elles.
Les bombardements israéliens indiscriminés ont également causé des destructions massives et des pénuries de produits de première nécessité. Ces attaques ont poussé 85 % de la population de l'enclave palestinienne à se déplacer à l'intérieur du pays, notamment vers la ville de Rafah, au sud du territoire.
La population de Rafah, qui s'élevait à approximativement 280 000 personnes avant ces attaques, a dramatiquement augmenté, dépassant 1,3 million d'habitants. La majorité vit dans des conditions précaires, dans des camps de fortune.
La population gazaouie fait face à des pénuries aiguës de nourriture, d'eau potable et de médicaments, tandis que 60 % des infrastructures de l'enclave ont été endommagées ou détruites, selon l'ONU.
Israël est accusé de génocide devant la Cour internationale de justice, qui, dans une décision provisoire en janvier, a ordonné à Tel Aviv de mettre fin aux actes génocidaires et de prendre des mesures pour garantir que l'aide humanitaire soit fournie aux civils à Gaza.
Malgré cette décision judiciaire, Israël persiste dans ses attaques. La décision du premier ministre israélien Benyamin Netanyahu de lancer une offensive terrestre à Rafah a exacerbé les craintes d'une nouvelle tragédie humanitaire.
Préoccupation de la France
Ce dimanche, la France a réitéré
"sa plus vive préoccupation après les frappes israéliennes intervenues à Rafah".
Par voie d'un communiqué, le ministère français des Affaires étrangères a rappelé que plus de 1,3 million de personnes sont réfugiées dans cette zone au sud de la bande de Gaza et que c'est
"un point de passage vital pour acheminer l'aide humanitaire pour la population de Gaza"
, depuis l'Égypte.
Le Quai d'Orsay a souligné qu'
"une offensive israélienne à grande échelle à Rafah créerait une situation humanitaire catastrophique d'une nouvelle dimension et injustifiable",
avant de réitérer son appel à
et ce,
"pour éviter un désastre".
En conclusion de son communiqué, le Quai d'Orsay a rappelé qu'à
"Gaza comme partout ailleurs, la France s'oppose à tout déplacement forcé de populations, proscrit par le droit international humanitaire"
. Il a également souligné que
"l'avenir de la bande de Gaza et de ses habitants ne pourra s'inscrire que dans un État palestinien vivant en paix et en sécurité aux côtés d'Israël".
Pour rappel, le député de La France Insoumise, Éric Coquerel, ayant récemment visité le passage de Rafah avec une délégation de député français, a exprimé ses vives inquiétudes à Anadolu, lors de la manifestation pour la Palestine qui s'est tenue ce samedi à Paris.
L'élu Insoumis a indiqué que la délégation avait pour objectif principal d'alerter sur la nécessité d'un cessez-le-feu.
Nous en sommes revenus avec la certitude absolue qu'un génocide était en cours.
"C'est là-dessus maintenant qu'il faut absolument alerter l'opinion pour qu'il y ait une réaction au niveau international, pour éviter une catastrophe : c'est une question de jours"
, a-t-il déclaré.