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Les Srilankais quittent le navire face aux difficultés économiques

Affligés par une crise sans précédent, les Srilankais avaient pris l'habitude de faire la queue pour de la nourriture ou du carburant. Mais un autre type de file d'attente a fait son apparition... devant les bureaux de l'émigration.

15:30 - 8/07/2023 Cumartesi
MAJ: 17:30 - 8/07/2023 Cumartesi
AFP
Crédit Photo: Ishara S. KODIKARA / AFP
Crédit Photo: Ishara S. KODIKARA / AFP
"Ce que nous voyons comme de la normalité n'est qu'un mirage",
dit à l'AFP Gayan Jayewardena. L'homme de 43 ans fait la queue, désabusé, devant un bureau du gouvernement où il doit récupérer le passeport de sa petite dernière. 

"La situation ne s'améliore pas",
déplore ce responsable d'un service client, dont la femme et les deux autres filles disposent déjà du précieux carnet. 

A court de devises étrangères, la petite île de l'océan Indien, exsangue, a fait défaut sur sa dette extérieure de 46 milliards de dollars en avril 2022.

La pénurie de dollars en a entraîné d'autres: nourriture, médicaments, électricité, carburants... alimentant une vague de colère et de manifestations qui ont abouti à la fuite du président d'alors, Gotabaya Rajapaksa, bouté hors de son palais envahi le 9 juillet. Il a quitté le pays le 13. 


Son successeur, Ranil Wickremesinghe, est bien parvenu à reconstruire des stocks, mais les prix ont explosé. 


Le dirigeant a surtout doublé les impôts et réduit diverses subventions, des mesures très impopulaires pour reprendre le contrôle des finances nationales, ce que le FMI le pressait de faire afin de débloquer un plan de renflouement de 2,9 milliards de dollars.

M. Wickremesinghe a fini par l'obtenir fin mars.


Toutefois, même si les manifestations se sont calmées, la transition n'a pas convaincu la population et des flopées de Srilankais ont décidé de faire leurs valises.


"C'est mieux de partir"


"Quand on se met dans la peau de nos enfants, c'est mieux de partir. Nous voulons émigrer dans un pays comme la Nouvelle-Zélande",
explique Gayan Jayewardena. 

Maduranga, un ingénieur de 38 ans qui ne répond qu'à ce seul nom, affirme quant à lui que la hausse du coût de la vie et des impôts le poussent à envisager son avenir en Australie.


Le coût grimpe, ça monte tous les jours, mais le salaire est le même.

Au cours des cinq premiers mois de l'année, 433.000 titres d'émigration ont été délivrés par les services srilankais. L'an dernier, 911.689 passeports avaient été remis, à l'époque où le pays subissait une récession économique de 7,8%. En 2021, le chiffre était de 382.500, avec au contraire 3,3% de croissance.


Un système de demande en ligne a même été mis en place en juin, bien que ceux désirant obtenir leur sésame rapidement vite doivent se présenter en personne.


"Mon numéro était le 976 et je pense qu'il y avait encore 500 personnes après moi",
raconte Damitha Hitihamu, 51 ans, stupéfait par l'affluence au service de renouvellement de passeport en un jour.

Depuis des décennies, nombreux sont les Srilankais qui partent travailler à l'étranger, occupant des emplois qualifiés ou pas, principalement dans les pays du Golfe. 


Dans les médias, on parle tous les jours des pénuries de médecins, d'infirmiers, d'ingénieurs et d'autres travailleurs spécialisés à cause de l'émigration massive.

La construction très touchée


Le secteur de la construction, l'un des plus gros employeurs nationaux, a affirmé qu'il commençait à perdre ses propres ouvriers spécialisés et autres professionnels à une vitesse alarmante. 


L'an dernier, dans un contexte de récession et d'inflation galopante, l'industrie du bâtiment a vu partir 200.000 employés, et nombre de ceux qui sont encore là veulent en fait s'en aller, selon Nissanka Wijeratne, le secrétaire général de la Chambre de l'industrie de la construction.


L'an dernier, le nombre de Srilankais qui se sont déclarés auprès du service des emplois à l'étranger, obligatoire avant de travailler hors du Sri Lanka, a atteint un record de 311.000, contre 122.000 en 2021.


En 2023, après cinq mois, déjà 122.000 personnes enregistrées, soit autant qu'en 2021, sont parties, mais des responsables estiment que beaucoup d'autres ont quitté le territoire avec des visas de tourisme pour trouver un emploi ailleurs en Asie ou au Moyen-Orient.


Lalantha Perera, 43 ans, raconte que son salaire d'assureur n'est pas suffisant pour subvenir aux besoins de ses deux enfants et de sa femme. Il tente d'émigrer aussi. 


"Après la campagne de manifestations l'an dernier, nous avons eu un peu de répit. Mais ce n'est pas assez et je prévois de partir dans un pays européen."

Selon le groupe de réflexion Advocata, ce sont surtout les classes moyennes qui essaient d'émigrer.

Les plus pauvres, eux,
"réduisent leurs repas",
relève Dhananath Fernando, chef d'Advocata.

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