Le commerce maritime mondial percuté par les crises géopolitiques

20:034/01/2024, jeudi
MAJ: 5/01/2024, vendredi
AFP
Un bateau navigue devant un navire porte-conteneurs amarré au terminal portuaire de Pasir Panjang à Singapour le 14 octobre 2022.
Crédit Photo : ROSLAN RAHMAN / AFP
Un bateau navigue devant un navire porte-conteneurs amarré au terminal portuaire de Pasir Panjang à Singapour le 14 octobre 2022.

Un climat agité se profile pour le commerce maritime international en ce début d'année 2024: les attaques des rebelles houthis en mer Rouge entraînent une forte augmentation des coûts de transport, aggravée par un début de perturbation des chaînes logistiques.

Depuis la mi-décembre, la plupart des grosses compagnies maritimes internationales ont décidé de dérouter leur navire pour éviter le passage par le canal de Suez, par lequel transite habituellement 12% du commerce mondial.


Les vaisseaux contournent désormais l'Afrique en passant par le cap de Bonne Espérance, ce qui rallonge le voyage entre l'Asie et l'Europe de 10 à 20 jours en moyenne, selon Arthur Barillas, directeur général d'Ovrsea, un commissionnaire de transport.


Les compagnies maritimes ont déjà annoncé des hausses de tarif importantes pour couvrir les frais liés à ce détour. CMA CGM a doublé le prix d'un conteneur de 40 pieds entre l'Asie et la Méditerranée (3.000 à 6.000 dollars).

Même chose pour le leader du secteur, l'italo-suisse MSC, dont les tarifs sont passés de 2.900 à 5.900 dollars pour le transport d'un conteneur de 40 pieds sur le même trajet.


Les augmentations soudaines des tarifs ne sont pas uniquement attribuables aux 23 attaques des rebelles houthis en mer Rouge depuis le 19 octobre, en réponse aux bombardements israéliens sur Gaza, mais cette situation a également contribué à cette hausse.


Nouvel an chinois


"Il y a un vrai afflux en provenance d'Asie", explique Arthur Barillas. Jusqu'au Nouvel an chinois, le 10 février prochain, "tous les bateaux sont pleins"
, assure-t-il.

Les clients se pressent de faire acheminer leurs marchandises avant ces célébrations qui mettent le pays, premier exportateur mondial, à l'arrêt pendant une semaine.


Face à cela,
"la concurrence réagit de manière uniforme. Il y a dix compagnies qui se partagent 80 à 90 % du volume (de marchandises) transporté et toutes affichent des taux très élevés car les bateaux sont pleins"
, souligne-t-il.

L'un des indicateurs de référence pour mesurer le taux (tarif) de fret des marchandises acheminées depuis la Chine, le Shanghai Contenarized Freight Index (SCFI), a quasiment doublé en quelques semaines.


Une hausse aussi brutale rappelle les années Covid, au cours desquelles les taux de fret avaient atteint des niveaux inédits dans l'histoire du transport maritime international en raison de la désorganisation des chaînes logistiques.

Cependant,
"tout le monde ne paye pas le double. Seulement quelques uns",
assure Niels Rasmussen, analyste en chef pour Bimco, principale association mondiale de transporteurs maritimes.

En effet, la plupart des entreprises ne paient pas les taux
"spot"
mais ont des contrats de long terme avec les grandes compagnies maritimes.
"Si vous regardez le tarif moyen pour tout ce qui sort de Chine et passe par la majeure partie de l'Europe et de la Méditerranée, vous constaterez que l'augmentation est de 15 à 20 %"
, précise M. Rasmussen.

Élections à Taïwan


Les professionnels constatent aussi une pénurie de conteneurs en Asie en raison de la durée plus longue des voyages.


Pour autant,
"les transporteurs sont bien mieux armés pour gérer opérationnellement ces déroutements comparés aux perturbations observées durant la pandémie",
affirme la plateforme israélienne de réservation et de paiement de fret Freightos dans sa note hebdomadaire.

Les compagnies ont en effet utilisé les profits faramineux engrangés en 2021 et 2022 pour acheter des centaines de nouveaux bateaux qui commencent à être livrés.


Les attaques en mer Rouge ne sont pas les seules à troubler le commerce international. La sécheresse historique qui frappe le canal de Panama, obligeant les autorités à ralentir le transit et les navires à patienter plus longtemps avant de pouvoir l'emprunter, perturbe aussi les échanges.


Surtout, les transporteurs scrutent avec attention l'issue des élections présidentielle et législative à Taïwan prévues le 13 janvier prochain, de peur d'une autre crise impliquant la Chine dans la région.


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