Les Samis ont enfin été entendus: à leur insistance, la Suède s'est engagée dans un difficile travail d'introspection autour des épreuves infligées au fil des siècles à ce peuple autochtone du Grand Nord.
Depuis février, les experts d'une "commission pour la vérité" partent à la rencontre de ceux qui ont été longtemps appelés du nom de Lapons - avant que le terme ne prenne une connotation péjorative - pour recueillir leurs témoignages, souvent douloureux.
Installés dans les contrées arctiques de Norvège, Suède, Finlande et du nord-ouest de la Russie où ils ont vécu pendant plusieurs millénaires d'élevage de rennes, chasse, pêche et cueillette, les Samis ont fait les frais d'une colonisation rampante.
Des conditions abominables qui pousseront Nils-Henrik et ses camarades à s'enfuir par une nuit glaciale d'hiver.
Mais nous avions plus peur d'y retourner que de continuer.
La fermeture en 1962 des derniers de ces sinistres pensionnats ne signera pas la fin de la longue histoire douloureuse des Samis.
Le calvaire de ce peuple de quelques dizaines de milliers de membres, considéré comme la dernière population autochtone d'Europe, commence dès le XVIIe aiguisé par les convoitises grandissantes pour ses terres traditionnelles, riches en minerais.
D'abord brutalement évangélisés pour abandonner leurs croyances animistes, les Samis voient les persécutions s'intensifier aux XIXe et XXe avec le développement économique de la région.
Racisme biologique
Comme son père avant lui, le petit Nils-Henrik pense avoir été soumis à ces examens pseudoscientifiques.
On ne sait pas ce qu'ils en ont fait, mais nous avons dû nous tenir tout nus devant des soi-disant docteurs.
Les Samis sont traités différemment selon qu'ils sont éleveurs de rennes ou non.
Si les enfants d'éleveurs sont envoyés dans des pensionnats, les autres perdent leurs droits fonciers.
"Vol de territoire"
Alors que ses homologues en Norvège et en Finlande doivent rendre leurs conclusions cette année, la commission suédoise publiera son rapport en 2025. Il pourrait ensuite ouvrir la voie à un processus de réconciliation.
Ils nous ont volé nos terres, interdit notre religion et volé notre enfance.
Aussi lourd soit-il, le passé ne doit pas occulter les problèmes d'aujourd'hui, avertit Kaisa Huuva.
Derniers remparts de la culture samie, les éleveurs de rennes voient leur activité menacée par le changement climatique et les conflits avec plusieurs secteurs industriels, comme les mines ou les énergies vertes.
Leur taux de suicide, chez les jeunes, est nettement au-dessus de la moyenne, montre une étude récente.
Une compagnie minière a récemment annoncé la découverte du plus grand gisement de terres rares d'Europe - présumé abriter plus d'un million de tonnes de métaux essentiels à la transition verte - près de Kiruna, sur la localité de la famille de Kaisa Huuva.