Malawi: affamés par la sécheresse, des villageois déterrent des tubercules sauvages

16:439/09/2024, lundi
AFP
Une sécheresse sans précédent frappe l'Afrique australe, réduisant à néant les récoltes au Malawi et forçant les habitants à se nourrir de tubercules toxiques.
Crédit Photo : Média X / Archive
Une sécheresse sans précédent frappe l'Afrique australe, réduisant à néant les récoltes au Malawi et forçant les habitants à se nourrir de tubercules toxiques.

Dans les champs, maïs et millet sont ravagés par la pire sécheresse depuis un siècle en Afrique australe. Des villageois du Malawi, désespérés, creusent le sol asséché pour extraire des tubercules d'ignames, certains potentiellement toxiques.

"Notre situation est très difficile. On est affamés",
explique Manesi Levison, une grand-mère de 76 ans, qui surveille une marmite d'ignames orange. Ces tubercules, dit-elle, doivent cuire pendant huit heures pour en retirer les toxines.

Mme Levison s'occupe de 30 petits-enfants. Dix d'entre eux se blottissent sous le toit de chaume de sa maison, à Salima, près des rives du lac Malawi, pendant qu'elle prépare cette igname amère, localement appelée
'mpama'.

"C'est une tubercule sauvage que l'on déterre pour que les enfants puissent manger quelque chose dans la journée",
raconte-t-elle. Elle précise:
"Des gens sont morts ou tombés malades après en avoir consommé. Il faut la cuire longtemps et changer l'eau de cuisson plusieurs fois pour éliminer le poison".

Selon elle, il n'a pas plu depuis avril dans cette partie du Malawi, et les récoltes ont brûlé sur pied.


"Les gens sont angoissés à cause de la faim et la situation est réellement désespérée",
alerte Samuel Benjamin, chef de ce village de 1 000 habitants, situé à environ 80 km au nord-est de la capitale Lilongwe. Il s'inquiète de l'attente jusqu'à la prochaine moisson, prévue en mars prochain.

La tubercule de nénuphar comme dernier recours


La plupart des Malawites dépendent d'une agriculture pluviale pour se nourrir. Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), 44 % des terres cultivées et 40 % de la population, soit environ 20,4 millions de personnes, sont affectés par la sécheresse, exacerbée par le phénomène climatique El Niño.


L'agence de gestion des catastrophes du Malawi (Dodma) estime qu'environ 5,7 millions de personnes auront besoin d'aide alimentaire entre octobre et mars.

À 250 km au sud de Salima, près de Blantyre, la capitale économique du pays, la situation est tout aussi critique.


"Les bonnes années, nous récoltons environ 21 sacs de maïs",
témoigne Wyson Malonda, un paysan de 72 ans,
"mais cette année, nous n'avons rien récolté".

Il ajoute:


Nous avons essayé de cultiver du millet résistant à la sécheresse, mais cela n'a rien donné non plus.

Mainesi Malonda, son épouse de 68 ans, raconte que les villageois se nourrissent des tubercules d'un nénuphar local appelé 'nyika'. Non toxique, il est consommé dans la vallée du Shire lorsque les récoltes échouent, mais il pousse dans des eaux infestées de crocodiles.


Une catastrophe régionale


Selon Paul Turnbull, directeur du PAM au Malawi, la récolte de maïs a chuté de 23 % cette année par rapport à l'an passé. C'est la troisième année consécutive de mauvaises récoltes, après les dommages causés par la tempête tropicale Anna en 2022 et le cyclone Freddy en 2023.


Les cas de malnutrition aiguë modérée et sévère chez les enfants de moins de cinq ans ont augmenté respectivement de 40 % et 23 %, selon le PAM.

En mars, le président malawite Lazarus Chakwera a déclaré l'état de catastrophe naturelle dans 23 des 28 districts du pays en raison de la sécheresse, réclamant 200 millions de dollars d'aide alimentaire.


Grâce à l'aide internationale et au gouvernement, Dodma achète et distribue du maïs aux populations touchées, un programme qui coûtera environ 1,1 million de dollars, selon son directeur, Charles Kalemba.


"Nous distribuerons également de l'argent aux communautés affectées à partir de mi-septembre, en commençant par les districts les plus touchés"
, a-t-il indiqué à l'AFP.

Cinq pays d'Afrique australe ont décrété l'état de catastrophe naturelle en raison de la sécheresse, laquelle affecte 27 millions de personnes dans cette région, selon le PAM. Beaucoup d'entre eux dépendent de l'agriculture de subsistance pour survivre.


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