L'imam de Drancy, qui se sait très contesté au sein même de la communauté musulmane en raison de son positionnement politique, notamment vis-à-vis de la guerre menée par Israël à Gaza, voit en Abdelhakim Sefrioui, l'unique responsable de sa situation actuelle.
Oscillant entre colère et larmes, il a déclaré:
Sefrioui est arrivé à la mosquée avec des drapeaux palestiniens, me traitant d'imam des juifs, il me traitait d'ennemi d'Allah, de vendu, de traitre, d'ami du CRIF".
C'est pas lui qui va passer à l'acte mais c'est lui qui motive les personnes à passer à l'acte. C'est un gourou.
Malgré sa détermination, l'imam de Drancy a, par la suite, eu de grandes difficultés à expliquer au Président en quoi Sefrioui est acquis aux thèses des Frères Musulmans comme il l'affirme.
Et très vite, celui qui a décrit sa vie comme bouleversée depuis 2010 en raison des dénonciations d'Abdelhakim Sefrioui a été mis en difficulté par la Défense du prévenu.
Et les réponses identiques se sont succédées lorsqu'il a été question de ses conflits avec d'autres personnalités de la communauté musulmane, ou encore d'une agression survenue à la mosquée de Drancy et au cours de laquelle il avait prétendu avoir été présent avant d'être contraint d'avouer qu'il n'y était pas.
En réponse à plusieurs questions successives formulées par Ouadie Elhamamouchi, suscitant les rires de la salle, il a frénétiquement répété:
Hors sujet. Pas de commentaires. Je ne suis pas accusé, je suis témoin.
La séance a finalement été suspendue autour de 19 heures, avant que Chalghoumi ne quitte la salle accompagné de son avocate, le visage fermé.
Et pour cause, quatre ans après les faits, la justice doit déterminer les responsabilités des huit accusés, dans l'assassinat, le 16 octobre 2020, de Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie au collège du Bois d'Aulne à Conflans-Sainte-Honorine, décapité à la sortie des cours par un ressortissant russe, d'origine tchétchène, âgé de 18 ans.
Son bourreau, Abdoullakh Anzorov, abattu dans la foulée par les forces de l'ordre, reprochait à l'enseignant d'avoir montré à ses élèves, des caricatures issues du journal satirique Charlie Hebdo et mettant en scène le prophète Mohammed nu.
L'attentat avait provoqué une onde de choc dans tout le pays, et le nom de Samuel Paty fait depuis office de symbole. Six mineurs ont déjà été condamnés par le tribunal pour enfants, au terme d'un procès intervenu fin 2023.
Parmi les accusés, figurent deux des proches d'Abdoullakh Anzorov, Azim Epsirkhanov et Naim Boudaoud, qui répondent de faits qualifiés de complicité d'assassinat terroriste et encourent une peine de prison à perpétuité. Tous deux âgés respectivement de 23 et 22 ans, sont soupçonnés d'avoir accompagné le tueur de Samuel Paty, en l'accompagnant dans l'achat d'armes. Naim Boudaoud l'a par ailleurs déposé sur les lieux de l'attentat.
Brahim Chnina et Abdelhakim Sefrioui, âgés de 52 et 65 ans, et tous deux également détenus depuis les faits, ont à répondre à des accusations d'association de malfaiteurs terroriste.
Dans le détail, Abdoullakh Anzorov, qui n'était aucunement lié à l'établissement ni à Samuel Paty, a vraisemblablement eu connaissance des faits suite à la polémique engendrée par la diffusion d'une vidéo, devenue virale et diffusée par Brahim Chnina, l'un des parents d'une élève, dénonçant la démarche du professeur d'histoire-géographie.
Leurs vidéos génèrent de très nombreux commentaires, et le nom de l'enseignant ainsi que celui de son établissement sont finalement divulgués, permettant à Abdoullakh Anzorov de l'identifier, le localiser, avant de se rendre sur les lieux pour le décapiter.
Yusuf Cinar, Ismaïl Gamaev, et Louqmane Ingar, tous trois âges de 22 ans et membres de divers groupes Snapchat auxquels participait Abdoullakh Anzorov, sont accusés de lui avoir apporté un soutien idéologique.
Le premier a notamment relayé le message de revendication de l'attentat ainsi que la photo de Samuel Paty décapité, le second est accusé d'avoir conforté son procès d'assassinat et d'avoir publié des messages de satisfaction après l'annonce de la décapitation de Samuel Paty. Le troisième, également âgé de 22 ans, comparait libre mais sous contrôle judiciaire pour avoir participé aux groupes Snapchat et évoquait un éventuel départ vers des zones de guerre pour y rejoindre une organisation terroriste.
Priscilla Mangel, la seule femme à comparaître devant la Cour d'Assises spéciale, est pour sa part âgée de 36 ans. Il lui est reproché d'avoir longuement et régulièrement échangé avec le terroriste en le confortant dans son projet.