La flore et la faune de Mayotte dévastées, comme "une déflagration qui a tout soufflé"

15:1215/01/2025, Çarşamba
AFP
Un homme marche devant une maison détruite par le cyclone Chido dans le village de Bandraboua, sur le territoire français de Mayotte, dans l'océan Indien, le 4 janvier 2025. Le cyclone le plus dévastateur à frapper Mayotte depuis 90 ans a causé des dégâts colossaux le 14 décembre 2024, dans le département le plus pauvre de France.
Crédit Photo : JULIEN DE ROSA / AFP
Un homme marche devant une maison détruite par le cyclone Chido dans le village de Bandraboua, sur le territoire français de Mayotte, dans l'océan Indien, le 4 janvier 2025. Le cyclone le plus dévastateur à frapper Mayotte depuis 90 ans a causé des dégâts colossaux le 14 décembre 2024, dans le département le plus pauvre de France.

Le cyclone Chido, le plus violent en près de 100 ans à Mayotte, a dévasté l'île, laissant mangroves et forêts ravagées, des lémuriens affamés et des écosystèmes en péril. Les Naturalistes alertent sur la perte d'espèces endémiques et l'impact durable sur la biodiversité.

"Il n'en reste plus grand-chose"
: à l'avant d'un bateau, le président des Naturalistes de Mayotte revoit pour la première fois depuis Chido, la mangrove de l'îlot Mbouzi, dont le touffu couvert végétal a disparu, laissant apparaître les racines décharnées des palétuviers.

Le paysage de dévastation que contemple Michel Charpentier, responsable de cette association depuis 20 ans, sur un des îlots au large de Mamoudzou, s'est malheureusement généralisé sur l'archipel français depuis le passage du cyclone le 14 décembre.

Les grands arbres de l'île aux Parfums - comme les manguiers ou les baobabs - ont été "couchés, cassés, arrachés", relate le naturaliste à l'AFP.
"On a l'impression d'une déflagration qui a tout soufflé"
, s'étonne-t-il.

Chido est le cyclone le plus important en près de 100 ans sur cet archipel de l'océan indien.


Le nord et l'est ont souffert mais c'est dans le centre de Mayotte que le spectacle saisit. Sur plusieurs kilomètres, d'immenses arbres dont il ne reste plus que les troncs peuplent les collines au sol parfois noirci, a constaté une journaliste de l'AFP.

Sur l'îlot Mbouzi, bénévoles et employés des Naturalistes nettoient et dégagent les sentiers pédagogiques, armés de sacs poubelle, gants, parfois petites tronçonneuses.


Devant de timides bourgeons, Michel Charpentier relativise :
"Ça cicatrise mais ça ne fera pas repousser les arbres tombés"
.

Le directeur de l'association François Beudard met en garde : cette situation va profiter aux plantes envahissantes qui
"repoussent plus rapidement que les espèces indigènes ou endémiques"
.

Autre point de vigilance pour le directeur : les agriculteurs
"légaux ou illégaux"
qui s'accaparent déjà ces terres à nu pour
"planter du manioc et des bananes"
alors que la culture sur brûlis, notamment, fait des ravages à Mayotte, en appauvrissant les espaces naturels.

Le drame serait de
"perdre des espèces endémiques rares, qui pourraient disparaître à jamais, comme les ébènes des Comores, très représentés sur l'îlot Mbouzi"
, s'inquiète le conservateur de cette réserve naturelle nationale, Thani Mohamed Ibouroi.

Pour souligner la richesse de la biodiversité de l'archipel, le conservateur rappelle qu'il accueille deux espèces de baobabs,
"quand il n'y en a qu'une seule sur tout le continent africain"
.

Quant aux mangroves,
"pas mal touchées"
, elles devraient toutefois
"repartir"
, se console Juliette Crouzet, chargée de mission au sein de l'association.

Mais avant qu'elles puissent de nouveau jouer leur rôle de tampon en cas de submersion marine ou de nourricière pour les espèces marines qui s'y reproduisent, il faudra les nettoyer.
"Toutes les ordures, poubelles parties dans le lagon (pendant Chido) reviennent dans les mangroves à chaque marée haute"
, constate l'experte, devant des palétuviers auxquels s'accrochent de vieux tissus souillés.

Côté faune, les lémuriens et chauves-souris
"ont été le plus impactés"
par Chido, estime Michel Charpentier. Les makis, ces figures familières de l'île qui se déplacent sur les arbres ou fils électriques, leur queue en balancier, étaient au nombre de 20.000 au dernier recensement, chiffre le responsable.

Mais beaucoup ont dû mourir dans les arbres secoués par le cyclone, de même que les roussettes, ces grandes chauves-souris à la tête orange, selon lui.


Frugivores, ces espèces peinent désormais à se nourrir, et les makis notamment sont dénutris et perdus, se faisant écraser sur les routes par manque de vitalité.


Les petites chauves-souris,
"celles qu'on voit en Europe"
et qui vivent sous les toitures désormais envolées,
"n'ont plus de gîte". "Il va y avoir une forte mortalité, c'est irrémédiable"
, prédit encore M. Charpentier.

Thani Mohamed Ibouroi, parti sur un autre îlot,
"là où il y a la plus forte densité de pailles-en-queue"
à Mayotte, revient rassuré : les fins oiseaux immaculés à la longue queue sont là, en activité. En revanche, il y a des cadavres d'oiseaux qu'il n'a pu identifier.

"Je ne suis pas sûr qu'on puisse revenir à l'identique parce que les dégâts sont énormes"
, selon Michel Charpentier.

Chido avait fait au moins 39 morts et plus de 5.600 blessés à Mayotte, puis au moins 120 morts et près de 900 blessés au Mozambique, et 13 morts au Malawi.


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