Dimanche, dans un scrutin sans suspense en l'absence de toute opposition crédible, le Parti du peuple cambodgien (PPC) de Hun Sen a revendiqué un
raflant 82% des voix et préparant le terrain pour Hun Manet, le fils aîné du dirigeant, dans une succession à la nord-coréenne selon ses critiques.
"Je voudrais demander à la population de faire preuve de compréhension en annonçant que je ne resterai pas Premier ministre",
a-t-il déclaré lors d'une allocution diffusée à la télévision d'État, ajoutant que son fils Hun Manet, un général de 45 ans, prendrait la tête du nouveau gouvernement.
À l'approche des élections, la liberté d'expression avait été largement étouffée avec la fermeture d'un des derniers médias indépendants, la lourde condamnation en mars du principal opposant, Kem Sokha, pour trahison et la modification de la loi électorale pour exclure de facto les opposants en exil des élections futures.
Le Parti de la bougie, seul rival crédible du Premier ministre, a été exclu de la course quelques semaines avant le vote pour ne pas s'être enregistré correctement auprès de la commission électorale.
Le PPC devrait conserver 120 des 125 sièges de l'Assemblée nationale, 5 sièges allant au petit parti royaliste autrefois au pouvoir Funcinpec, peu critique de Hun Sen.
Influence chinoise croissante
La participation de 84,6% a montré
du Cambodge, selon le gouvernement, mais les puissances occidentales, dont les États-Unis et l'Union européenne, ont qualifié ce scrutin de
"ni libre, ni équitable".
De son côté, le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme a déploré le contexte
ayant entouré les élections, dénonçant les menaces et intimidations dont a notamment été victime l'opposition.
Hun Sen a déclaré que son fils prendrait la tête d'un nouveau gouvernement dans la soirée du 22 août.
Je demande aux gens de soutenir Hun Manet, qui sera le nouveau premier ministre.
"Dépourvu du pouvoir et de l'autorité qu'a son père, Manet n'aura qu'une liberté de manœuvre limitée"
au sein du système en place, prédit Sebastian Strangio, auteur d'un ouvrage sur le Cambodge sous Hun Sen.
Il ne faut pas attendre d'impact immédiat sur le pays, estime-t-il.
Cela fait un an et demi que Hun Sen parle de transmettre le pouvoir à son fils, qui a joué un rôle de premier plan dans la campagne pour le vote de dimanche.
Mais le dirigeant sortant a clairement fait savoir qu'il avait toujours l'intention d'exercer une influence, même après son départ, écartant ainsi l'idée que le pays puisse changer d'orientation. Il a ainsi affirmé qu'il aiderait son fils à
"contrôler la sécurité, l'ordre et à participer au développement du pays".
Il exercera désormais les fonctions de président du Sénat, numéro 2 dans le protocole après le roi Norodom Sihamoni, qu'il remplacera comme chef de l'État lorsque celui-ci sera à l'étranger.
Sous le règne de Hun Sen, le Cambodge a opéré un rapprochement notable avec la Chine, dont le président Xi a félicité Hun Sen et promis de renforcer encore les liens.
Un site militaire financé par Pékin et soupçonné par Washington d'abriter une base navale secrète chinoise sera bientôt inauguré.
Mais l'afflux d'argent chinois s'est accompagné d'affaires épineuses, comme l'arrivée de nombreux casinos et d'opérations d'escroquerie en ligne dont le personnel est victime de traite d'êtres humains dans des conditions épouvantables.
Les détracteurs de Hun Sen affirment que son règne a également été marqué par la destruction de l'environnement et une corruption endémique.
Le Cambodge est classé 150e sur 180 dans l'indice de perception de la corruption de l'ONG Transparency International. En Asie, seules la Birmanie et la Corée du Nord sont moins bien classés.
Hun Sen, arrivé au pouvoir en 1985, est accusé d'avoir fait reculer les libertés fondamentales et utilisé le système judiciaire pour museler ses adversaires, jetés par dizaines en prison au cours de ses mandats.
À la veille des élections, Sam Rainsy, figure de l'opposition cambodgienne en exil en France, a été condamné à une inéligibilité de 25 ans pour avoir appelé les électeurs à déposer dans les urnes des bulletins non valides.
En mars, Kem Sokha, chef de file du Parti de la bougie, a été condamné à 27 ans de prison et assigné à résidence pour trahison.