Crédit Photo : Samuel OBIANG / AFP / Archive
Des électeurs attendent au bureau de vote du collège Nuestra Señora à Bisila, Malabo, lors des élections présidentielles, législatives et municipales en Guinée équatoriale, le 20 novembre 2022.
La Guinée équatoriale, petit pays d'1,6 million d'habitants autrefois considéré comme un eldorado grâce à son pétrole, a longtemps été épargnée par l'exode de la jeunesse qui affecte d'autres pays du continent. Mais une décennie de récession économique a tout changé.
"Je pars aux États-Unis, peu importe le travail. Le travail n'est pas difficile à trouver".
Comme de nombreux jeunes équato-guinéens, Paciencia Mangue, 32 ans, rêve de partir dans l'espoir d'une vie meilleure.
"Ce qu'on ne trouve pas dans son pays, on peut le trouver ailleurs,"
renchérit Laura Ntogono. À 27 ans, cette manucure employée dans un salon de beauté "pense sans cesse à partir" pour s'installer
La presse de ce pays au régime autoritaire n'en parle pas, il n'y a pas de buzz sur les réseaux sociaux, ni de statistiques officielles, mais le sujet nourrit les conversations: ces dernières années, pas un jour ne passe sans que l'on apprenne le départ d'un jeune pour les États-Unis, comme a pu le constater le correspondant de l'AFP sur place.
Manulo (pseudonyme), 44 ans, vit à Jacksonville, en Floride, depuis un peu plus d'un an.
"J'avais perdu mon emploi à l'INSESO (Institut national de sécurité sociale) et après trois ans de chômage, je ne pouvais plus joindre les deux bouts, j'ai vendu ma voiture et j'ai pris un visa",
explique ce père de quatre enfants joint par l'AFP aux États-Unis.
Il fait du gardiennage de chiens et envoie tous les mois environ 500 dollars (environ 450 euros) à sa famille.
Il ne veut pas révéler sa paye de
mais, selon lui, cela n'a rien à voir avec les salaires dérisoires de son pays natal, 128 000 FCFA (environ 200 euros) pour le salaire mensuel minimum, selon les chiffres de la Communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEMAC).
Avec l'effondrement des prix du pétrole, la principale ressource, l'économie est entrée en récession en 2023 et le chômage atteint 8,5 %, selon les chiffres de la Banque africaine de développement.
Paciencia Mangue, qui est licenciée en économie, ne veut plus
:
"Pour trouver un emploi appréciable, ici, il faut connaître quelqu'un dans les cercles du pouvoir ou avoir un parent parmi ceux qui gouvernent le pays",
géré par le président Obiang qui, à 82 ans, détient un record de longévité politique.
Si certains, comme Manulo, parviennent à rallier directement les USA avec un visa américain, d'autres s'envolent pour le Brésil ou le Nicaragua, parfois via l'Espagne, pour ensuite entrer clandestinement via le Mexique.
Rares sont ceux qui partent via le Sahel pour ensuite traverser la Méditerranée, d'après les récits collectés par l'AFP.
Entre billet d'avion et visa, 1,6 million de CFA soit plus de 2 500 euros pour un Malabo-San Paulo et cent euros pour le visa brésilien, la route de l'exil exige un gros investissement. Reste ensuite le plus difficile: rallier les États-Unis, en payant des passeurs.
confie Geraldina Adang, 33 ans, partie en janvier 2023 via le Brésil, désormais installée en Californie où elle fait la plonge.
"Pour entrer aux États-Unis, la mort n'est pas loin",
dit celle qui a mis deux mois pour parvenir au Mexique
"par des voies clandestines et dangereuses",
puis trois mois pour passer la frontière.
confirme Célestine Fouenfin, une femme de ménage camerounaise de 36 ans partie de Malabo pour Las Vegas avec, elle aussi,
"un parcours du combattant"
via le Mexique.
"Visa ou pas, je vais arriver aux États-Unis,"
assure Angel Ondo, un chauffeur de taxi de 25 ans.
"Beaucoup de nos amis qui étaient chauffeurs de taxi avec nous sont déjà partis"
en passant
"par le Brésil ou le Nicaragua puis le Mexique",
explique-t-il devant sa voiture blanche.
Bien loin des exils politiques vers l'Espagne qui ont marqué l'histoire de l'ancienne colonie après son indépendance, les raisons des départs sont multiples.
"Le manque de liberté individuelle et collective. Le manque d'institutions indépendantes et solides, la corruption systématique, la mauvaise gestion des affaires publiques et le non-respect des droits humains sont à l'origine de l'exode",
selon Joaquin Elo Ayeto, un militant des droits humains de l'ONG 'Somos'.
Elias Mba Engonga, enseignant en sociologie, évoque pour sa part
"la déception, la perte d'espoir sur les changements politiques, les politiques sociales et le manque d'une répartition équitable des revenus de l'État".
Près de six jeunes Africains sur dix envisagent d'émigrer dans les trois ans, avant tout pour trouver un emploi et avec comme premier objectif les États-Unis, selon un récent sondage de la Fondation Ichikowitz Family mené dans seize pays du continent.
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