Crédit Photo : FANNY NOARO-KABRÉ / AFP
Des villageois portant des masques traditionnels défilent lors de Festimasq, le festival des masques, à Pouni, dans la province de Sanguie, au Burkina Faso, le 30 mars 2024.
Au rythme saccadé des tambours et des flûtes, des centaines de personnes paradent à Pouni, commune rurale du Burkina Faso, arborant de grands masques colorés : dans ce pays miné par les violences terroristes, ces objets de transmission mystique doivent maintenant appeler à la paix.
En ce samedi après-midi de la fin du mois de mars, des créatures se meuvent avec assurance sur la place publique de Pouni, à 130 km à l'ouest de Ouagadougou, à l'occasion de la 17e édition du festival des masques de la ville.
Le masque représentant le singe enchaîne les pirouettes, applaudi par le public, tandis que les franges des costumes, fabriqués avec des fibres d'écorces teintées de jaune, de rouge, de marron ou de vert, tressaillent à chaque pas de danse.
Chaque masque est différent. Certains représentent un animal, comme le crocodile, le buffle ou le singe, d'autres sont dits
surmontés d'une grande planche de bois.
"Le masque est un élément sacré. Nos ancêtres qui étaient forts ont réussi à dompter les animaux de la brousse. C'est cela que représente le masque, symbole de force et de puissance"
, explique Yaro Boubié, un festivalier de Zawara, l'un des 30 villages participant.
Fréquemment utilisés lors de cérémonies importantes comme des naissances, des mariages ou des funérailles, les masques peuvent aussi servir à
"sensibiliser, éduquer et communiquer",
précise Ya Hervé Gué, président de l'association des amis des masques (Ama), à l'initiative du festival.
Les masques zoomorphes s'inspirent des attitudes de certains animaux pour parodier les hommes. En revanche, les masques à lames présentent des proverbes, des sortes d'allégories, qui jouent un rôle moral et civil.
Le masque peut également
"représenter une entité qui reçoit des sacrifices et des sollicitations",
ajoute M. Gué.
"C'est l'harmonie entre le savoir-faire des sculpteurs, l'ingéniosité des fabricants du costume" et "la dextérité des porteurs de masques, qui fait la beauté du masque",
analyse Babou Neya, un festivalier.
Selon cet habitant de Pouni,
"c'est de cette complicité entre différents acteurs, qui peuvent ne même pas se connaître, qu'on doit s'inspirer pour s'unir dans la quête de la paix".
"Relever le défi sécuritaire"
Cette année le festival prend cette année des allures politiques. Le thème
"paix et cohésion sociale au Burkina Faso"
a
"été choisi au regard du contexte",
déclare Ya Hervé Gué.
Le Burkina Faso, dirigé par un régime militaire, est frappé depuis 2015 par des violences terroristes de groupes affiliés à Al-Qaïda et à Daesh, qui ont fait en tout quelque 20 000 morts et plus de 2 millions de déplacés internes.
"Le masque est un symbole de paix et de cohésion sociale qui peut servir à faire face aux défis sécuritaires que notre pays traverse",
affirme M. Gué. Il peut aussi servir à faire peur à ceux qui voudraient transgresser les interdits.
Ces sculptures sacrées ont
"une place importante dans l'imagination de nos communautés",
indique de son côté le ministre de la Culture et porte-parole du gouvernement, Jean Emmanuel Ouédraogo.
Les violences terroristes causent
"l'effritement des relations de fraternité et d'harmonie qui existaient entre les communautés"
, déplore-t-il. Mais selon lui, un événement comme le festival
"ne peut que contribuer à les rapprocher".
À Pouni, la fête est populaire, mais le port des masques reste réservé aux initiés. Ya Hervé Gué prévient:
On ne doit jamais savoir qui porte le masque.
Lors d'événements comme le festival de Pouni, chaque porteur de masque - qui reste donc anonyme - a un binôme qui le suit, le guide, et veille à ce que son identité ne soit pas dévoilée.
L'un d'eux, Ko Bélibié, se souvient d'un
lié à ces sculptures mystiques:
"Quand on était petit, il y a eu une grande période de sécheresse. Les masques sont sortis pour une procession et demander la pluie. À la fin de la cérémonie, les masques n'ont pas eu le temps de quitter les lieux qu'il s'est mis à pleuvoir".
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