En marge de la 7e édition de la Conférence annuelle sur la paix et la sécurité en Afrique (APSACO) l’activiste féministe congolaise, Anny Modi, directrice exécutive d’Afia Mama revient sur l’essence de cette rencontre et plaide pour une implication plus importante de la gente féminine dans les pourparlers de paix.
Ce genre de rencontre permet des réflexions et des conversations franches entre filles et fils du continent afin de faire l’état des lieux de la situation de la paix et de la sécurité en Afrique.
Pour cette septième édition, on nous parle de la reconstruction post-conflit. Mais pouvons-nous vraiment parler de la reconstruction post-conflit en Afrique alors que la guerre fait rage au Soudan et que les crises s’enlisent un peu partout en Afrique, avec l’exemple assez parlant de la République démocratique du Congo ? Je ne le pense pas.
Nous devons d’abord travailler à la stabilisation du continent en s’attaquant aux causes profondes de l’instabilité. Ce travail devra être fait en intégrant davantage les femmes et les jeunes, mais aussi certains groupes marginalisés. L’exclusion de certaines composantes de nos sociétés ont en effet conduit à des frustrations et ont engendré des conflits.
La première chose que nous apportons, c’est déjà la vie. C’est très important de commencer par là. Les femmes ont aussi une capacité naturelle à fédérer les forces autour d’elles.
Parce que ce sont nos maris, nos frères, nos enfants qui se retrouvent dans les groupes armés. La deuxième contribution porte sur la communication. La femme peut communiquer de manière à toucher les cœurs des personnes qui sont autour d’elle.
C’est donc très important qu’elle soit associée afin qu’elle comprenne la dimension des conflits, les enjeux, le rôle de chaque partie prenante pour qu’enfin elle puisse user de sa voix maternelle pour faire changer parfois des décisions et des positions.
Par ailleurs, la femme d’aujourd’hui est différente de la femme d’hier qui ne s’est pas trop intéressée à la politique. La femme d’aujourd’hui a des capacités de médiation qui peuvent servir dans la conception même des processus de paix. Donc c’est une ressource humaine qu’on ne doit pas laisser de côté.
Chez nous, le seul accord de paix qui a tenu dans la durée est celui de Sun City (Afrique du Sud) signé en avril 2002. Et c’est parce que les femmes avaient été incluses dans les négociations.
Nous ne sommes pas écoutées. C’est d’ailleurs ce qui nous a poussées à nous mettre ensemble pour la création de la Synergie des femmes pour la paix et la sécurité, où nous rassemblons nos efforts pour constituer une seule force qui ferait face aux belligérants afin que nous puissions nous faire entendre. Nous sommes aussi confrontées à un défi sécuritaire.
Parce que comme vous le savez, la guerre peut facilement se terminer sur le corps d’une femme. Nous sommes obligées de faire attention pour ne pas être victime des atrocités ou de la violence sexuelle.
Les femmes n’ont pas non plus les moyens pour aller partout où les négociations de paix se tiennent. Pour notre cas, ils se tiennent à Nairobi (Kenya) ou à Luanda (Angola). C’est pourquoi nous sollicitons la solidarité des femmes de ces pays afin que nous puissions assister aux différentes rencontres de paix.
Au-delà, nous aimerions aussi entendre davantage la voix de l’Union africaine sur les différentes crises qui secouent le continent. Si les institutions régionales usent de l’impartialité en indexant les véritables coupables, ces derniers pourraient se ressaisir.
Autrement, ils risquent de continuer leurs forfaitures et la situation risque de s’aggraver avec notamment la propagation de l’extrémisme violent.