Début: Période de colère

19:3111/01/2025, samedi
MAJ: 11/01/2025, samedi
Nedret Ersanel

Il reste moins de dix jours, et les attentes montent quant au début d’une période “orageuse” après l’entrée de Trump à la Maison-Blanche, tant à Washington qu’à travers le monde. Avant que les équipes ne montent sur le terrain, laissons quelques notes sur la situation actuelle et émergente en guise d’héritage pour le futur proche. Trump et son équipe n’en ont rien à faire du “nouvel ordre mondial” ou d’un “monde multipolaire” ! Selon leurs plans pour “rendre à l’Amérique sa grandeur”, ils s’accordent

Il reste moins de dix jours, et les attentes montent quant au début d’une période “orageuse” après l’entrée de Trump à la Maison-Blanche, tant à Washington qu’à travers le monde.


Avant que les équipes ne montent sur le terrain, laissons quelques notes sur la situation actuelle et émergente en guise d’héritage pour le futur proche. Trump et son équipe n’en ont rien à faire du “nouvel ordre mondial” ou d’un “monde multipolaire” ! Selon leurs plans pour “rendre à l’Amérique sa grandeur”, ils s’accordent sur le fait que l’ordre basé sur des règles est déjà effondré, ou sur le point de l’être. Et ils semblent également préparés à ce qu’ils mettront en place. En d’autres termes, nous devrions cesser de traiter Trump comme un fou…


Ils remplaceront l’approche libérale, désormais obsolète et dysfonctionnelle, notamment en économie, par une pratique qui écrase ouvertement les fonctions de l’ancien ordre.


Par exemple : le Canada, le Groenland, le canal de Panama, le Mexique, l’Ukraine. Ces régions sont au cœur de la rhétorique répétée de Trump à propos de l’Europe. À l’exception de l’Italie et, dans une moindre mesure, de l’Espagne, la raison de l’agitation des capitales européennes est bien celle-ci.


Pensez-y : l’un des membres fondateurs de l’OTAN formule une revendication sur l’intégrité territoriale d’un autre membre de l’OTAN. Non content de cela, il menace de sanctions militaires, politiques et économiques ! (Trump a adouci son propos concernant l’usage de la force mardi, mais cela ne change rien.)


C’est un véritable drame, mais tout le monde en rit nerveusement : “Qu’ils invoquent l’article 5 de l’OTAN”, plaisante-t-on. (Évidemment, c’est techniquement impossible. Mais tant qu’on y est, réfléchissons également à la proposition de Trump d’augmenter les cotisations d’adhésion à l’OTAN et à ses conséquences potentielles.)


Pourquoi Trump agit-il ainsi ? Cela fait partie de la colère ambiante. Prenez les attaques dégradantes d’Elon Musk contre des pays comme l’Allemagne ou l’Angleterre : elles trouvent leur origine, par exemple, dans la position politique de Londres lors des élections présidentielles, à savoir son soutien à Biden. L’Allemagne et la France sont également concernées…


À ce niveau, des sentiments comme la vengeance peuvent-ils encore exister ? Oui, et ils seront bien présents. Les dirigeants des pays mentionnés appartiendront bientôt à l’Histoire, certains le sont déjà…


Quand nous disons que “la colère est tournée tant vers l’intérieur que l’extérieur”, rappelons-nous : lors de son premier mandat, Trump attribuait aux services de renseignement britanniques et au FBI la responsabilité des accusations montées de toutes pièces, par exemple, celles l’accusant de collusion avec la Russie. Ceux qui sont entrés chez lui et ont fouillé jusqu’aux sous-vêtements de sa femme devront rendre des comptes. Vous verrez…


Aux États-Unis, certains analystes politiques affirment que cette affaire pourrait aller jusqu’à la destruction du Parti démocrate. Une telle ambition politique atteint des sommets. Des jours difficiles attendent le clan Obama et Biden…


Revenons à l’exemple de l’Angleterre ou de l’Allemagne. La question n’est pas si simple. La liste des pays que Trump s’apprête à cibler reflète bien sûr une ligne géopolitique. Mais ce n’est même pas l’essentiel. Ce qui prime, c’est la sécurité économique.


En d’autres termes, chaque pays mentionné est lié à des réalités économiques et géopolitiques interdépendantes. Lorsque Trump dit “Faisons du Canada un de nos États”, il parle en réalité d’un gâteau annuel de 250 milliards de dollars. Mais le Canada est également membre du “Commonwealth britannique”. Cette histoire touche Londres, les “Five Eyes”, la guerre avec la Russie, le Moyen-Orient, la Syrie et les équilibres en Inde…


Il en va de même pour le Groenland. Cette région stratégique, surplombant le monde, est l’un des principaux points de passage des routes de transport et d’approvisionnement russes et chinoises. Elle regorge également de ressources minières immenses, sans oublier des revenus considérables provenant de la pêche.


Quant au canal de Panama, il représente un atout économique majeur pour les États-Unis, et Trump en veut davantage, même si la réalité de la présence chinoise dans la région est bien connue…


En parlant de “Chine”, devrions-nous revoir notre certitude selon laquelle la rivalité entre les États-Unis et la Chine s’intensifiera et se durcira sous Trump ? C’est une réserve mineure. Les discours de Trump ou de son cabinet à l’égard de la Chine pourraient s’intensifier. Mais en ce qui concerne l’encerclement, l’affaiblissement ou la confrontation avec la Chine, la nouvelle administration américaine sera-t-elle aussi motivée ? Lors de sa dernière conférence de presse, Trump n’a émis aucune critique, ni contre la Russie ni contre la Chine. Il a mentionné tous les océans sauf le Pacifique. Laissons cela de côté pour l’instant. (“Elon Musk Is Meeting Secretly With China and Russia. It’s Time for Congress to Rein Him In”, 09/01, Newsweek. “Elon Musk could act as middleman between China and Trump in possible global trade war”, 04/01, SkyNews. “Trump confidant Elon Musk’s China ties pose security risk, ex-general warns”, 31/12/24, The Guardian.)


La géopolitique du second mandat de Trump peut être résumée comme une période de transformation du territoire de chasse américain en un vaste bassin, tout en se débarrassant des poids morts…


Cette stratégie n’isole pas les États-Unis mais les transforme en un pays qui chasse seul. Beaucoup interprètent cela comme un repli sur soi. Ce n’est pas faux, mais on ne peut pas parler d’un désintérêt pour l’extérieur. Au contraire, Trump pourrait écraser tout le monde, alliés compris, et enterrer encore davantage le “système basé sur des règles”. Même s’il laissait ce système à son propre sort, il est déjà à l’agonie.


La base politique de l’Europe vacille, et peu de pays semblent en mesure de s’en sortir. Les changements de pouvoir en France, en Allemagne, en Angleterre, en Ukraine, etc., ne seront pas dans la continuité du passé. Au contraire, ils pourraient être composés de gouvernements compatibles avec Trump, peu enclins à la guerre avec la Russie ou à une union européenne renforcée. Leurs orientations économiques seront, de toute évidence, alignées sur cette dynamique. La visite du Premier ministre italien au domicile de Trump est un exemple parfait…


Pour ce qui est du Moyen-Orient et de Türkiye, la vision de Trump est aussi liée aux vastes intérêts mentionnés ci-dessus qu’à Ankara. Et ce n’est pas rien. Il existe des opportunités dans toutes les directions. Les questions concernant Israël et l’Iran s’inscrivent dans ce contexte. Actuellement, nous observons la nouvelle administration américaine à travers le prisme de la Syrie et du PKK/YPG. Mais sans jamais perdre notre concentration, nous devrions également surveiller d’autres opportunités stratégiques…

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