Crédit Photo : Vivek PRAKASH / AFP (Archive)
En juillet 2019, d'importantes manifestations avaient éclaté à Hong Kong, réclamant davantage d'autonomie face à Pékin.
La menace a plané au-dessus des têtes des Taïwanais durant la campagne présidentielle : le risque pour l'île de se voir appliquer le fameux principe chinois "Un pays, deux systèmes", tout comme à Hong Kong.
"- Un pays, deux systèmes -, c'est juste un mensonge lancé par le Parti communiste chinois quand ils voulaient reprendre Hong Kong"
, estime You Sian-ming, 58 ans, ex-policier qui gère désormais une agence de voyage, en référence à la rétrocession de Hong Kong par la Grande-Bretagne en 1997.
C'est un jeu de mots pour cacher leurs vraies intentions.
Des manifestations massives avaient secoué Hong Kong en 2019, pour réclamer plus d'autonomie vis-à-vis de Pékin, mais avaient été durement réprimées. L'année suivante, la Chine imposait une loi de sécurité nationale drastique, pour faire taire toute voix dissidente.
À une heure d'avion de là, de nombreux Taïwanais avaient suivi les informations avec horreur... et s'étaient précipités dans les bureaux de vote pour réélire la souverainiste Tsai Ing-wen à la présidence en 2020.
Durant la campagne, elle avait fréquemment cité Hong Kong comme ce qu'il pourrait advenir de Taïwan en cas de prise de contrôle par la Chine, qui considère l'île comme l'une de ses provinces, à réunifier par la force si nécessaire.
Quatre ans plus tard, la situation à Hong Kong, où la société civile a été réduite au silence et de nombreux militants ont fui, a renforcé les craintes de la population.
"Pour les Taïwanais, Hong Kong est un cas d'école de l'échec du principe - Un pays, deux systèmes -"
, explique à l'AFP Ivy Kwek, experte du centre de réflexion International Crisis Group.
"Beaucoup de Taïwanais observent Hong Kong et se rendent compte que ce n'est pas le genre de système qu'ils pourraient accepter"
.
Même opinion pour Françoise Mengin, directrice de recherche sur la Chine au CERI-Sciences Po Paris:
Ce qui s'est passé à Hong-Kong en 2019-2020 a complètement décrédibilisé cette formule.
L'idée d'une
, encore brandie il y a peu par le président chinois Xi Jinping, est très impopulaire sur l'île, habituée depuis des décennies à avoir son gouvernement, son drapeau et aussi son identité dans laquelle plus de 90% des Taïwanais se reconnaissent désormais.
Malgré leurs différences, les trois candidats qui se disputaient la présidence ont tous exprimé leur rejet de la doctrine chinoise.
Même le principal parti d'opposition, le Kuomintang favorable à un rapprochement avec Pékin, ne veut pas en entendre parler.
You Sian-ming, électeur de ce parti, confie ne pas aimer le Parti démocrate progressiste (DPP) dont le candidat Lai Ching-te a été largement élu samedi. Mais hors de question pour lui d'accepter le principe d'une seule Chine:
"Taïwan est Taïwan. On a notre propre territoire, notre propre gouvernement et notre propre armée. Je suis loyal à un seul pays et il s'appelle la République de Chine"
, le nom officiel de l'île.
Rita Lo, quinquagénaire employée dans le secteur des services, refuse elle aussi toute assimilation de Taïwan à la Chine communiste.
"Si l'on rejoint la Chine, on ne pourra pas garder notre démocratie et notre mode de vie"
, redoute-t-elle.
Regardez dans quel état se retrouve Hong Kong.
Durant l'élection, de nombreux touristes sont venus de Hong Kong, certains participant aux meetings des partis ou aux simples conversations des Taïwanais débattant sur les différents candidats.
"On dirait Hong Kong en 2019, quand beaucoup de gens sortaient dans la rue pour défendre leurs convictions"
, selon Gor Gor, âgée de 24 ans, qui était venue assister au dernier meeting du DPP. Pour elle, quel que soit le candidat élu, il ne devra pas
"laisser Taïwan se transformer en un autre Hong Kong"
.
Près de 90% des Taïwanais soutiennent le maintien du statu quo qui signifie que l'île ne déclare pas son indépendance -ce qui déclencherait une réaction furieuse de Pékin- mais ne se rattache pas non plus à la Chine.
"J'ai juste envie qu'on garde le statu quo, c'est-à-dire que les choses n'empirent pas, mais en même temps, je n'ai pas envie qu'on améliore nos relations"
avec Pékin, déclare Mike, ouvrier du bâtiment de 28 ans.
Et si la Chine veut imposer sa règle d'
?
"On dit non, parce qu'on n'est pas un seul pays"
, tranche-t-il.
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