Tunisie / Législatives : les électeurs seront-ils au rendez-vous ?

21:4015/12/2022, Perşembe
MAJ: 15/12/2022, Perşembe
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Affiche de candidats pour les législatives en Tunisie / Agence Anadolu
Affiche de candidats pour les législatives en Tunisie / Agence Anadolu

Sur fond de crise politico-socio-économique complexe, quelque 9,3 millions de Tunisiens sont appelés à renouer avec les urnes pour élire leurs représentants à l’Assemblée, le 17 décembre courant.

Sur fond de crise politico-socio-économique complexe, quelque 9,3 millions de Tunisiens sont appelés à renouer avec les urnes pour élire leurs représentants à l’Assemblée, le 17 décembre courant.

Une première épreuve grandeur nature de la théorie de Kaïs Saïed qui se veut en rupture avec le passé politique du pays, aussi bien proche que lointain.

Les élections du 17 décembre 2022 marquent, en effet, plusieurs changements touchant le fond comme la forme, à la faveur d’une constitution
« césarienne »
, adoptée par voie référendaire le 25 juillet dernier - et dont le taux d’abstention d’environ 70% suscite les inquiétudes de beaucoup de Tunisiens et des partenaires étrangers- et d’un décret-loi portant modification du système électoral issu de la loi organique de 2014.

Par le biais des nouveaux textes, le régime politique en Tunisie passe d’un système semi-parlementaire avec un exécutif à deux têtes, un président de la République élu au suffrage universel mais aux prérogatives limitées et un chef de gouvernement redevable au Parlement, à un régime présidentiel avec un exécutif uni et un Parlement à deux chambres, mais aux prérogatives trop limitées.

Aussi, le nouveau cadre juridique donne au président de la République la possibilité de destituer un député, dans certaines conditions.

Un autre changement de taille, le mode du scrutin qui passe d’un système électoral basé sur des listes à majorité simple avec prise en compte des grands restes, à un mode uninominal à deux tours à majorité absolue (50% + une voix).

Et Kaïs Saïed d’instaurer des barrières à l’entrée, entre autres, un casier judiciaire « propre », la présentation d’un programme électoral écrit et l’obtention de 400 parrainages exclusifs pour chaque candidat qui ne peut, en outre, postuler que dans la circonscription de son lieu de résidence.

Ce nouveau système commence déjà à annoncer la couleur au niveau des candidatures.

Seuls 1058 candidats ont été définitivement retenus, dont uniquement 122 femmes, contre plus de 1500 listes avec une moyenne de dix candidats lors des scrutins de 2014 et 2019, pour une course encore plus serrée : 161 sièges, contre 217 par le passé.

Cela étant, l’enjeu majeur pour ce scrutin inédit, demeure le taux de participation.

Si le Président a pu rafler près de 3 millions de voix lors de la présidentielle d 2019, face à un candidat poursuivi par la justice pour des présumés crimes financiers, Nabil Karoui, ses supporters ont considérablement diminué en trois ans, lors du vote sur le projet de nouvelle Constitution qui n’a pu mobiliser que 2,46 millions d’électeurs, représentant 27,54% du corps électoral, selon les données officielles de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie).

Kaïs Saïed serait-il alors en perte de popularité ? On en saura plus le 17 décembre…

Une large campagne appelant au boycott des élections

En attendant que les urnes ne livrent leurs secrets, il convient de prendre en compte la large campagne d’appel au boycott, lancée par les principaux partis politiques, voire même la menace de poursuites judiciaires livrée par certains activistes contre toute personne impliquée dans le processus qualifié de « putschiste » de Kaïs Saïed.

En effet, les partis politiques qui se sont rassemblés en fronts pour s’opposer d’abord aux « mesures exceptionnelles » prises par Kaïs Saïed à l’occasion de la fête de la République 25 juillet 2021, notamment le gel du Parlement et la dissolution du gouvernement et du conseil de la magistrature, ont appelé, ensuite, au boycott du processus référendaire et électoral.

Il s’agit en l’occurrence du Front de salut national, présidé par Ahmed Néjib Chebbi, opposant historique de l’ancien président Ben Ali, et composé principalement du Mouvement Ennahdha (52 sièges au Parlement de 2019), du parti Au cœur de la Tunisie (38 sièges), la Coalition Al-Karama (21 sièges) et de plusieurs membres de la société civile.

Une autre coalition formée par les partis Ettakattol, Al-Joumhouri, le Courant démocrate (22 sièges), le Parti des travailleurs et le Pôle démocratique moderniste a appelé également au boycott du scrutin.

Le mot d’ordre de boycott a été annoncé aussi par le Parti destourien libre (PDL), dirigé par une redoutable Abir Moussi, qui se revendique comme l'héritière de l’ancien mouvement destourien de Habib Bourguiba (17 sièges).

Les partis Afek Tounes, Machrouû Tounes (4 sièges), la Voie démocratique et sociale, se sont aussi joints à la campagne de boycott des élections.

Kaïs Saïed
qui n’a pas de parti politique est, sinon, soutenu par de nouvelles formations comme le Harak du 25 juillet ou encore par la nouvelle entité « Pour que le peuple triomphe », fondée le 9 octobre 2022 et réunissant 25 personnalités indépendantes.

D’autres partis à faible représentation dans l’ancien Parlement n’ont pas boycotté les élections et annoncé leur participation dans certaines circonscriptions.

Quelle motivation pour les électeurs ?

Le contexte politique étant tel, des questions se posent d’ores et déjà sur les motivations susceptibles d’amener les électeurs à voter en masse le 17 décembre. 

Il y a lieu de rappeler à ce niveau un enseignement majeur de la présidentielle de 2019 qui avait propulsé Kaïs Saïed à la magistrature suprême avec un score jamais réalisé par le passé en Tunisie, alors qu’il n’avait pas de passé politique. Il était juste connu comme expert du droit constitutionnel.

Moult experts constataient alors une certaine rupture de l’électeur tunisien avec les partis politiques n'étant pas parvenus à réaliser les promesses électorales arrimées aux aspirations populaires à la dignité et à la prospérité.

Les parlements élus après 2011, tout comme les gouvernements successifs étaient plutôt décevants à ce niveau, déduisait-on çà et là.

Bien au contraire, une décennie durant, on a vu cette rupture s’aggraver à la faveur d’une situation économique qui va de mal en pis, comme en témoignent les indicateurs de l’inflation, + de 9% en novembre dernier, du déficit commercial et budgétaire atteignant des niveaux insoutenables par les bailleurs de fonds (+ de 80%) ou encore de la valeur de change de la monnaie locale, le dinar tunisien, qui s’échange actuellement à un taux de 3,3 par rapport au dollar et à l’euro.

Sur le terrain, le manque d’approvisionnement de certains produits comme le lait, le sucre ou les dérivés de céréales, par moments, doublé d’une hausse vertigineuse des prix à la consommation constituent désormais des préoccupations quotidiennes du commun des Tunisiens, plus qu’autre chose, encore moins des élections.

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