C'est l'histoire d'une disgrâce et d'une amitié ruinée entre un ancien président et son successeur: l'ex-leader mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz est jugé à partir de mercredi sous l'accusation d'avoir abusé du pouvoir pour amasser une fortune immense.
M. Aziz devient l'un des rares ex-chefs d'Etat à répondre d'enrichissement illicite pendant des années, de 2008 à 2019, où il a dirigé ce pays charnière entre le Maghreb et l'Afrique subsaharienne, secoué naguère par les coups d'Etat et les agissements terroristes mais revenu à la stabilité quand le trouble gagnait dans la région.
Ses pairs jugés par les justices nationale ou internationale le sont surtout pour des crimes de sang, tel, ailleurs en Afrique de l'Ouest, l'ancien dictateur guinéen Moussa Dadis Camara, à la barre depuis septembre.
Loin de la fascination guinéenne pour le procès d'un massacre perpétré 20 ans auparavant, des Mauritaniens interrogés par l'AFP manifestent un intérêt modéré, davantage préoccupés par l'inflation, résignés à la corruption des élites ou adhérant à la théorie du complot contre celui qui les gouvernait naguère.
Les uns et les autres s'attendent à ce que M. Aziz, visage rude à la fine moustache et au crâne dégarni, confirme sa réputation: batailleur, imprévisible et calculateur.
M. Aziz, fils de commerçant, se serait constitué un patrimoine et un capital estimés à 67 millions d'euros au moment de son inculpation en mars 2021. Il est accusé de détournement de fonds de marchés publics ou d'avoir dépecé à son profit le domaine immobilier et foncier national.
Sous M. Aziz, général impliqué dans un coup d'Etat en 2005 et qui a pris la tête d'un second putsch en 2008 avant d'être élu président l'année suivante et réélu en 2014, la Mauritanie a endigué la poussée terroriste présente dans le reste du Sahel, à commencer par le voisin malien.
Son bilan contre la pauvreté ou la discrimination envers certains groupes humains de ce pays de 4,5 millions d'habitants grand comme deux fois la France est plus sombre.
Sa chute a commencé fin 2019, quelques mois après avoir passé la main à son dauphin désigné, son ancien chef d'état-major Ghazouani, général comme lui et considéré comme le cerveau de l'exception mauritanienne face aux terroristes.
Les parties s'attendent à des semaines ou des mois de procès.