Cette catastrophe est sans précédent au Maghreb, dans le monde arabe et même au niveau mondial, au cours des vingt dernières années.
Ce pourcentage révèle l'ampleur de la catastrophe survenue à Derna (1 350 km à l'est de Tripoli), qui a surpassé la tragédie des inondations de 2001 à Bab El Oued en Algérie, la plus importante au Maghreb depuis le début du XXIe siècle, ou même les inondations de 2013 en Inde, au cours desquelles des milliers de personnes ont péri.
L'ouragan Daniel, qui a frappé l'est de la Libye le 10 septembre, a causé la mort d'au moins 6 000 personnes et la disparition d'environ 10 000 autres dans une ville dont la population est estimée à 200 000 habitants. Plus de 36 000 personnes ont été déplacées, selon les premiers chiffres officiels.
Ces chiffres donnent une idée approximative de l'ampleur de la catastrophe de Derna, difficile à imaginer ou à comprendre pour certains.
Si l'on quitte la région du Maghreb et ses vallées saisonnières pour aller loin vers la péninsule indienne et ses rivières abondantes, sa forte densité de population et sa réputation pour ses inondations dévastatrices, on constate que l'ouragan Daniel qui a frappé Derna n'a pas été moins dramatique que les ouragans asiatiques.
En revanche, la population de l'Uttarakhand dépassait à l'époque les 10 millions d'habitants, soit 50 fois la population de Derna, ce qui reflète l'ampleur de la tragédie de la "petite" ville libyenne.
Anadolu a passé en revue les pires inondations dévastatrices survenues depuis un siècle en matière de nombre de morts par rapport à la proportion de la population. À la lumière de ces données, les inondations de Derna sont les pires depuis un siècle, même si le bilan reste provisoire et risque de s'alourdir compte tenu du grand nombre de disparus, sans compter les blessés.
La crue du Yangtsé en Chine, en 1931, reste la pire de l'histoire, ayant causé entre deux et quatre millions de morts, directement ou indirectement. Les eaux du fleuve Yangtsé, troisième plus grand fleuve du monde, ont débordé et inondé les rizières, provoquant famine et épidémies à la suite notamment de la propagation et de la décomposition des cadavres au cours des mois qui ont suivi le déluge.
Aucune source n'a encore rapporté que Derna ait jamais subi des pertes humaines et matérielles de cette ampleur lors d'un ouragan en une seule journée et de pluies torrentielles au cours des cent dernières années, même si la ville a une longue histoire d'inondations.
Derna, qui est géographiquement entourée par les collines de la Montagne Verte et la mer Méditerranéenne, et traversée par un oued, avait connu des inondations en 1941, pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), alors qu'elle était alors sous le contrôle des forces allemandes, mais les sources n'ont pas parlé du nombre de morts, à l'exception des récits de chars nazis emportés par les pluies diluviennes.
En 1959, huit ans après l'indépendance du pays, Derna a été inondée par la crue de l'Oued dont elle porte le nom, faisant des centaines de morts et de blessés, selon ce que rapportait précédemment le correspondant d'Anadolu en Libye, citant l'historien Faraj Daoud al-Darnawi.
À l'époque de Mouammar Kadhafi (1969-2011), le barrage a été entretenu en 1977, puis réentretenu en 1986. Un autre petit barrage a été construit pour renforcer la protection de la ville contre les inondations.
La dernière année du règne de Kadhafi, comme celle du début de son ascension au pouvoir, a été marquée par des inondations, sans qu'elles soient dévastatrices.
Les deux barrages ont protégé la ville et atténué l'impact des flots, qui coulaient des petites vallées de La Montagne Verte et de ses hautes collines pour se rassembler dans l'Oued de Derna.
Après la chute de Kadhafi, Derna a été confrontée à l'isolement politique et au sous-développement, après avoir été contrôlée par plusieurs groupes extrémistes qui ne reconnaissaient aucun gouvernement, qu'il soit de l'Est ou de l'Ouest, ce qui a accru son isolement.
L'alliance est restée tout de même isolée et assiégée dans la région montagneuse, entre les villes de Tobrouk (siège de la Chambre des représentants) et d'Al-Bayda (siège du gouvernement intérimaire), qui sont soumises aux forces de l'Est dirigées par Khalifa Haftar.
Après la chute de la ville de Benghazi aux forces de Haftar, après environ trois ans de combats (2014-2016) contre le Conseil de la Choura des révolutionnaires de Benghazi, les forces se sont consacrées à combattre les moudjahidines de Derna.
Il n'est pas improbable que la négligence de la ville, qui était autrefois un bastion des groupes armés opposés à Kadhafi puis aux forces de Haftar, et l'incapacité à entretenir ses barrages et ses installations, à rénover ses anciens bâtiments, ainsi que les combats et les guerres auxquels elle a été confrontée entre 2015 et 2018, soient parmi les raisons qui ont causé le nombre de morts lors de l'ouragan Daniel et les inondations de cette ampleur.
Derna, bien qu'elle soit une petite ville comparée à des millions de villes, a encaissé seule le fardeau des pires inondations survenues depuis l'an 2000, ce qui nécessite un programme urgent non seulement pour absorber la tragédie, mais aussi pour reconstruire la ville, notamment par la construction de plusieurs barrages.