En France, les agriculteurs prêts à remonter au front

12:1212/11/2024, mardi
AFP
Un agriculteur près d'un tracteur lors d'une manifestation organisée par la FDSEA 51 (Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles) et "Jeunes Agriculteurs pour la Marne" contre la "complexité administrative" après avoir déversé du fumier devant le bâtiment de la préfecture à Chalons-en-Champagne, dans le nord-est de la France, le 18 octobre 2024.
Crédit Photo : FRANCOIS NASCIMBENI / AFP
Un agriculteur près d'un tracteur lors d'une manifestation organisée par la FDSEA 51 (Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles) et "Jeunes Agriculteurs pour la Marne" contre la "complexité administrative" après avoir déversé du fumier devant le bâtiment de la préfecture à Chalons-en-Champagne, dans le nord-est de la France, le 18 octobre 2024.

Ils sont prêts à ressortir les tracteurs, pas de gaité de coeur mais d'épuisement et de colère: en dépit de quelques aides d'urgence et annonces du gouvernement, la mobilisation agricole reprend en France et devrait s'amplifier la semaine prochaine.

Moins d'un an après un mouvement d'ampleur historique, l'alliance syndicale majoritaire FNSEA-JA a appelé à des actions nationales une fois les semis d'hiver terminés,
"à partir de la mi-novembre"
, probablement la semaine du 18 novembre, alors que débutera le sommet du G20 au Brésil.

La Coordination rurale, 2e syndicat agricole du pays, dont certains cadres affichent leur proximité avec l'extrême droite, promet
"une révolte agricole"
à compter du 19 novembre, avec un
"blocage du fret alimentaire".

Quant à la Confédération paysanne, troisième force syndicale et héritière des luttes altermondialistes, elle prévoit dans la semaine des actions contre les
"accords de libre-échange"
ou
"l'accaparement du foncier par les énergéticiens".

Le climat est tendu. Aux trésoreries exsangues s'ajoutent la crainte d'une signature de l'accord de libre-échange de l'Union européenne avec le Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay et Bolivie) et la peur de voir les taxes grimper aux frontières chinoise et américaine.

La ministre de l'Agriculture Annie Genevard, qui dit
"comprendre"
la colère, a posé quelques mises en garde mardi matin:
"Il ne faut (...) pas de violence à l'égard des forces de l'ordre, pas de dégradation des biens publics parce que c'est le contribuable in fine qui le paie, pas de désordre au moment où on approche les fêtes de Noël qui sont tellement importantes pour nos petits commerçants, nos artisans",
a-t-elle déclaré sur la chaîne TF1.

"Il faut pouvoir acheminer l'alimentation, (...) servir les commerces dans lesquels les Français s'approvisionnent. (...) J'invite chacun à l'esprit de responsabilité",
a-t-elle ajouté, appelant à ne
"pas rompre ni abimer (le) lien entre les Français et les agriculteurs".

"Obsession"


Depuis début octobre, les actions se multiplient en régions: une génisse éventrée par un loup déposée devant une sous-préfecture du Doubs (est du pays), une veillée funèbre tenue à
"la mémoire de l'agriculture française"
en Corrèze (sud), des chrysanthèmes disposés au pied de croix symbolisant des éleveurs des Vosges abandonnés par le groupe laitier Lactalis...

Partie l'an dernier d'un Tarn (sud) assoiffé, la mobilisation est cette fois attisée par les affres dus à l'excès d'eau. La France a connu en 2024 sa pire récolte de blé en 40 ans et vu ses vendanges chuter d'un quart.

Des Pyrénées à la frontière belge, les troupeaux de vaches et de brebis subissent des maladies menaçant la fertilité des animaux survivants et donc la production future.


"Sans réponse structurelle, la crise n'a jamais cessé et elle s'est largement aggravée du fait des aléas climatiques",
souligne Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne.

Depuis janvier, le gouvernement a multiplié les engagements, débloqué des centaines de millions d'euros d'aides, mis sur les rails une loi d'orientation agricole et s'est attaqué au millefeuille administratif dénoncé par les exploitants.


La ministre de l'Agriculture parle que de son
"obsession"
à honorer les engagements pris, à l'instar d'un
"contrôle administratif unique"
annuel des exploitations ou des
"prêts garantis par l'Etat".

"Pronostic vital engagé"


En Haute-Garonne, Jérôme Bayle, figure de la mobilisation de l'hiver dernier dans le Sud-Ouest, estime que la signature de l'accord UE-Mercosur sera l'élément
"qui fera exploser la colère".

A la FNSEA, qui défend la vocation exportatrice de la France pour des produits comme le blé ou le cognac, Arnaud Rousseau appelle Paris à mettre son veto à ce traité.


A la Coordination rurale, Véronique Le Floc'h juge que si le Mercosur entrait en vigueur, il deviendrait inutile d'installer des jeunes dans une France qui aurait
"conçu la souveraineté alimentaire à partir d'importations".

La Confédération paysanne estime qu'
"aucune mesure de réciprocité ne pourra jamais compenser les importations massives"
qui découleraient de l'accord.

A l'approche des élections professionnelles agricoles (en janvier), une source syndicale reconnaît une
"tentation de la surenchère"
entre les organisations, mais aussi du côté de la classe politique.

Dimanche, le président du Rassemblement national (parti d'extrême droite) Jordan Bardella a ainsi été accueilli par une figure historique de la Coordination rurale du Lot-et-Garonne (sud).


Il a prôné des mesures protectionnistes, estimant que
"le pronostic vital de l'agriculture française est aujourd'hui engagé".

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