Âgé de 66 ans, Paul Kagame affrontera les mêmes adversaires qu'il y a sept ans: Franck Habineza, chef du seul parti d'opposition autorisé (le Parti démocratique vert), et l'indépendant Philippe Mpayimana. Les deux candidats avaient alors recueilli respectivement 0,48 % et 0,73 % des voix.
Artisan du spectaculaire redressement économique du pays, exsangue après le génocide des Tutsi en 1994, Kagame est aujourd'hui présenté par certains dirigeants occidentaux et africains comme un modèle de développement. La croissance solide du pays (7,2 % en moyenne entre 2012 et 2022) s'est accompagnée d'un développement des infrastructures (routes, hôpitaux...), permettant des progrès socio-économiques.
Cependant, son régime est critiqué pour son rôle en République démocratique du Congo voisine, où son armée est accusée par l'ONU de combattre aux côtés des rebelles du M23, et pour la répression des voix dissidentes. Plusieurs figures de l'opposition, comme Victoire Ingabire et Bernard Ntaganda, n'ont pas pu se présenter en raison de condamnations passées. La justice a rejeté leurs demandes de voir leurs droits civiques restaurés.
La commission électorale a également invalidé la candidature de Diane Rwigara, une autre voix anti-Kagame, en raison de documents non conformes. Déjà écartée de la présidentielle précédente, elle avait été accusée de falsification de documents et arrêtée avant d'être blanchie par la justice en 2018.
Au total, 9,01 millions d'électeurs sont inscrits pour ce scrutin, qui sera pour la première fois couplé avec les législatives pour renouveler le Parlement, dominé par le parti de Paul Kagame, le Front patriotique rwandais (FPR).
"Président Pour Toujours"
Cette année encore, le déséquilibre entre l'homme fort du pays depuis la fin du génocide des Tutsi en 1994 et ses adversaires a été flagrant durant les trois semaines de campagne.
Fanions sur les voitures, drapeaux, affiches et bannières au bord des routes : la machine du FPR a déployé dans tout le pays ses couleurs rouge, blanc, bleu et ses slogans
("Votez Paul Kagame") et "
(pour "Paul Kagame 2024"). Les meetings géants du chef de l'État rassemblent des dizaines de milliers de personnes, inondées de tee-shirts et casquettes à la gloire du FPR et de
, alors que ses rivaux peinent à rassembler une centaine de personnes, la plupart venant en curieux.
Dans un meeting de Franck Habineza dans la province de l'Est, Béatrice Mpawenimana explique être venue
"pour écouter ce qu'il dit".
"Mais je voterai pour Paul Kagame",
affirme cette mère de famille de 30 ans:
Il nous a donné une voix à nous, les femmes, il nous a apporté des routes, des hôpitaux... Je veux qu'il reste président pour toujours.
Dans ce pays enclavé de la région des Grands Lacs, 65 % de la population a moins de 30 ans et n'a connu que M. Kagame comme dirigeant.
M. Kagame est l'homme fort du Rwanda depuis qu'il a renversé en juillet 1994, avec la rébellion du FPR, le gouvernement extrémiste hutu, mettant fin au génocide qui a fait, selon l'ONU, 800.000 morts, essentiellement parmi la minorité tutsi.
D'abord vice-président et ministre de la Défense, mais dirigeant de facto du pays, Paul Kagame en est officiellement le président depuis 2000, élu par le Parlement après la démission de Pasteur Bizimungu, puis à trois reprises au suffrage universel avec un minimum de 93 % de voix (95,05 % en 2003, 93,08 % en 2010, 98,79 % en 2017).
"Le parti au pouvoir, le FPR, est très populaire à travers le pays, c'est indéniable. L'élection, c'est comme une formalité. Il n'y a pas de véritable opposant face à Kagame",
estime l'avocat constitutionnaliste et analyste politique rwandais, Louis Gitinywa.
Amnesty International a dénoncé dans un récent communiqué les
des droits de l'opposition, ainsi que les
"menaces, détentions arbitraires, accusations fabriquées de toutes pièces, meurtres et disparitions forcées".
Après avoir atteint la limite de deux septennats, le dirigeant avait pu se présenter en 2017 grâce à une révision constitutionnelle controversée en 2015 instaurant le quinquennat, tout en maintenant un maximum de deux mandats. Cette modification, vivement critiquée, a remis à zéro le nombre de mandats de Paul Kagame et l'autorise également à briguer un septennat transitoire 2017-2024.
Cette réforme lui permet donc, en cas de réélections, de rester au pouvoir jusqu'en 2034.