DeepSeek dans la tourmente: pourquoi l’application d’IA chinoise fait-elle face à un tollé mondial ?

13:3713/02/2025, jeudi
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L'application DeepSeek sur un téléphone portable.
Crédit Photo : Mladen ANTONOV / AFP
L'application DeepSeek sur un téléphone portable.

Il y a trois semaines, des millions d’utilisateurs à travers le monde ont téléchargé DeepSeek, un chatbot d’intelligence artificielle présenté comme une alternative plus puissante et économique à ChatGPT d’OpenAI.

Avec ses fonctionnalités avancées, son faible coût et son accessibilité en open source, DeepSeek est rapidement devenu l’application gratuite la plus téléchargée sur l’App Store d’Apple, suscitant à la fois enthousiasme et inquiétude.

Cependant, peu après son adoption massive, plusieurs pays – dont l’Italie, la Corée du Sud et Taïwan – ont commencé à interdire la plateforme chinoise, invoquant des risques pour la sécurité nationale et la protection des données.


Les États-Unis ont récemment rejoint cette liste: les États du Texas, de New York et de Virginie ont interdit à leurs employés gouvernementaux de télécharger et d’utiliser DeepSeek sur les appareils et réseaux d’État.

Cette vague d’interdictions s’étend à l’Europe, l’Australie et certaines régions d’Asie, où les gouvernements occidentaux s’interrogent sur les implications sécuritaires d’un modèle d’IA chinois collectant et traitant des données utilisateur.


Pourtant, malgré ces interdictions, certains experts estiment que DeepSeek représente un défi majeur pour la domination américaine dans le secteur de l’IA. Selon eux, Washington et ses alliés réagissent davantage par crainte d’une concurrence technologique que par réelle menace sécuritaire.

"L’association entre des coûts de développement réduits, une rapidité de réponse accrue, une précision élevée et une accessibilité open source fait de DeepSeek une alternative attrayante aux outils d’IA générative établis comme ChatGPT", explique Harin Sellahewa, doyen de la Faculté d’informatique, de droit et de psychologie de l’Université de Buckingham.

Il ajoute que l’ascension fulgurante de DeepSeek a ébranlé l’industrie de l’IA et provoqué des secousses sur les marchés boursiers.


Qu’est-ce qui différencie DeepSeek des autres IA ?


DeepSeek affirme avoir conçu son chatbot avec une fraction du budget et des ressources habituellement nécessaires pour développer des modèles similaires. Alors que les leaders de l’IA utilisent plus de 16 000 puces hautes performances, DeepSeek aurait fonctionné avec seulement 2 000 puces de génération précédente et un budget inférieur à 6 millions de dollars.

D’un point de vue technique, DeepSeek repose sur une architecture dite Mixture of Experts (MoE). Sellahewa explique:


Cette technologie permet au modèle d’IA de consulter plusieurs experts issus de diverses disciplines pour générer une réponse.

En termes de performances, DeepSeek rivalise avec ses concurrents sur plusieurs aspects, mais excelle particulièrement dans la résolution de problèmes mathématiques.


Autre élément clé: DeepSeek se positionne comme un modèle d’IA open source, offrant aux développeurs et chercheurs la possibilité d’accéder et de modifier ses algorithmes, contrairement aux modèles propriétaires comme ChatGPT.


Pourquoi DeepSeek fait-il polémique ?


L’essor rapide de DeepSeek a provoqué un séisme dans l’industrie technologique.


À son lancement, les valeurs boursières des géants américains de la tech ont fortement chuté, Nvidia perdant près de 600 milliards de dollars en capitalisation boursière.


Pour Dana McKay, doyenne associée en interaction, technologie et information à l’Institut royal de technologie de Melbourne (RMIT), deux éléments expliquent cette réaction:


  • DeepSeek est présenté comme open source, bien que son code et ses bases de données restent non publiés.
  • DeepSeek appartient à une entreprise chinoise, soumise aux lois chinoises qui exigent que les données des utilisateurs soient stockées en Chine et accessibles par le gouvernement.

D’après Deepak Padmanabhan, chercheur à l’Université Queen’s de Belfast, l’émergence de DeepSeek représente un défi géopolitique majeur. Il souligne:


DeepSeek est le premier chatbot d’envergure issu d’un pays non occidental, en dehors du monopole des Big Tech américaines.

Il estime que ce développement est d’autant plus marquant que les États-Unis avaient imposé des restrictions sur l’exportation de puces Nvidia vers la Chine, dans l’objectif de freiner le secteur chinois de l’IA.

Quels pays interdisent DeepSeek et pourquoi ?


Plusieurs nations ont rapidement restreint l’accès à DeepSeek, en particulier pour les employés gouvernementaux.


  • L’Italie a été le premier pays européen à retirer l’application des boutiques en ligne, invoquant des doutes sur la collecte et le stockage des données personnelles.
  • La Corée du Sud, l’Australie et Taïwan ont suivi, interdisant son usage au sein des administrations publiques pour des raisons de cybersécurité.
  • Les Pays-Bas ont récemment interdit DeepSeek aux fonctionnaires, craignant des risques d’espionnage par la Chine.

Selon Padmanabhan, ces interdictions sont autant motivées par la politique que par des préoccupations sécuritaires. Il déclare:


L’Europe, l’Australie et le Royaume-Uni étant alignés économiquement et culturellement avec les États-Unis, ils perçoivent DeepSeek comme une menace pour la suprématie technologique occidentale.

Il prévient que ces interdictions pourraient paradoxalement accroître la curiosité du public pour DeepSeek.


Les craintes sur la sécurité de DeepSeek sont-elles fondées ?


La Chine a dénoncé ces interdictions comme une instrumentalisation abusive du concept de sécurité nationale. Le ministère chinois des Affaires étrangères a déclaré:


Pékin attache une grande importance à la protection des données et respecte les lois en vigueur.

Pourtant, plusieurs experts jugent les risques bien réels. Dana McKay explique:


DeepSeek collecte une grande quantité de données: les requêtes des utilisateurs, les informations sur leurs appareils et leur localisation, voire leurs habitudes de frappe sur le clavier.

Ces données pourraient permettre au gouvernement chinois d’identifier les utilisateurs et de surveiller leurs activités, alerte-t-elle.


Selon Sellahewa, DeepSeek dispose d’une politique de collecte intrusive, incluant les adresses e-mail, les numéros de téléphone et même les motifs de frappe utilisés pour identifier un utilisateur de manière biométrique.

"Comme ces données sont stockées sur des serveurs en Chine, elles ne sont pas protégées par les réglementations occidentales en matière de confidentialité", avertit-il.

Les modèles occidentaux font-ils la même chose ?


Les experts soulignent que les IA occidentales, comme ChatGPT et Gemini de Google, collectent également d’énormes quantités de données.

"OpenAI ne mentionne pas explicitement la collecte des données de frappe, mais intègre de nombreuses données des utilisateurs dans ses modèles", note McKay.

Padmanabhan va plus loin et conclut que ces préoccupations relèvent davantage de la confiance politique que d’un véritable enjeu technologique:


"Toutes les IA génératives pratiquent une surveillance avancée des données, qu’elles soient chinoises ou occidentales. Cela nous ramène au conflit géopolitique entre l’Occident et la Chine, qui sous-tend une grande partie des décisions actuelles."

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