Aujourd'hui, une large partie de l'Amhara échappe au contrôle des autorités fédérales et les combats se sont intensifiés ces dernières semaines.
Qui sont les Fano?
L'Amhara, qui compte environ 23 millions d'habitants - pour plus de 120 millions d'Éthiopiens -, est le théâtre d'une insurrection armée depuis avril 2023.
Après avoir prêté main forte aux forces fédérales durant la guerre au Tigré, qui a fait rage dans cette région voisine de l'Amhara entre novembre 2020 et novembre 2022, les Fano, milices populaires traditionnelles "d'autodéfense" de l'ethnie Amhara, ont pris les armes contre le gouvernement.
En cause: la volonté d'Addis Abeba de les désarmer.
Les Fano s'estiment également trahis par l'accord de paix signé par le Premier ministre Abiy Ahmed en novembre 2022 avec les dirigeants dissidents du Tigré, ennemis de longue date des nationalistes amhara qui revendiquent des "terres ancestrales" administrativement rattachées au Tigré.
Face à la détérioration de la situation sécuritaire dans cette vaste région du Nord éthiopien, les autorités ont déclaré l'état d'urgence en août 2023, qui a expiré en juin 2024. Mais la situation sécuritaire ne s'est pas améliorée.
En septembre, des renforts militaires ont été envoyés dans la région.
Les Fano, qui ne fonctionnent pas avec un commandement unifié mais s'organisent en différents groupes, bénéficient d'un "large soutien au sein de la région et de la diaspora amhara", notait en 2024 un rapport du Rift Valley Institute, estimant qu'ils sont "susceptibles d'avoir une influence durable sur l'environnement politique et sécuritaire de la région".
Selon plusieurs sources sécuritaires contactées par l'AFP, des discussions seraient en cours en vue de la fusion de plusieurs groupes.
Y a-t-il un regain des combats?
La semaine dernière, de violents combats sont survenus "sur plusieurs fronts", souligne une source humanitaire présente dans le pays, qui a requis l'anonymat. Les "Fano sont présents dans les campagnes mais ne contrôlent actuellement aucun centre urbain", ajoute-t-elle.
Les forces fédérales ont affirmé avoir tué près de 300 Fano après deux jours de violents affrontements. L'AFP n'a pas été en mesure de vérifier de manière indépendante ces informations.
Ce regain des combats, notable depuis plusieurs semaines, est lié à de vives tensions entre l'Éthiopie et son voisin érythréen, selon la source humanitaire. Des convois d'armes ont notamment pris la direction du nord de l'Afar, région éthiopienne qui borde l'Érythrée.
Des troupes éthiopiennes stationnées dans l'Amhara ont également été envoyées vers l'Afar, ce dont les Fano "ont peut-être tenté de profiter", affirme cette source.
"Il y a plus de combats que d'habitude", confirme une source sécuritaire qui a également requis l'anonymat, avant de tempérer:
On est loin cependant d'une bascule du conflit à ce stade.
Des affrontements armés ont été signalés aux alentours de Bahir Dar et Gondar, les deux plus grandes villes de la région.
La situation est "chaotique et incertaine", résume Kjetil Tronvoll, spécialiste de la Corne de l'Afrique et professeur à l'Oslo New University College, précisant que "les forces fédérales n'ont pas le contrôle de la région".
Quelles sont les conséquences pour les civils?
La situation est dramatique pour les civils dans la région.
En novembre 2024, les autorités fédérales avaient évoqué les conséquences "catastrophiques" du conflit sur le système de santé. De nombreux hôpitaux ne fonctionnent plus.
Plusieurs millions d'enfants ne sont plus scolarisés à cause d'écoles fermées à travers l'Amhara.
L'activité économique est également perturbée. Début mars, le groupe allemand Selecta, qui produit et exporte des fleurs, a annoncé l'arrêt de son activité sur son site de Kunzila, dans l'Amhara. Dans un communiqué, le groupe a justifié cette décision, que d'autres entreprises avaient déjà prises avant lui, par "la situation politique instable et la situation militaire incertaine".
"Il y a de nombreux enlèvements à travers la région, une économie en déclin, ce qui rend la vie particulièrement difficile pour la quasi-totalité des habitants de la région", affirme Kjetil Tronvoll, pour qui les civils "sont pris entre deux feux".
Un chercheur étranger, qui a requis l'anonymat par crainte de se voir refuser ensuite l'entrée en Ethiopie, souligne le "caractère extrêmement violent des combats contre les civils", évoquant notamment "les frappes de drones" des autorités fédérales.
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