L'histoire de "Je suis toujours là", film brésilien qui vise des nominations aux Oscars, se passe essentiellement durant le régime militaire (1965-1985), mais c'est "un film sur le présent", assure son actrice principale Fernanda Torres dans un entretien à l'AFP.
Lauréat du prix du meilleur scénario à la Mostra de Venise, ce film qui sort le 15 janvier en France a séduit des millions de spectateurs dans les salles brésiliennes.
Fernanda Montenegro, 95 ans, mère de Fernanda Torres et nominée aux Oscars pour Central do Brasil (1998), fait une apparition à la fin du film, représentant Eunice Paiva dans sa vieillesse.
Entretien croisé avec Fernanda Torres et Walter Salles
QUESTION: Quelle est la part d'actualité de ce film ?
WALTER SALLES: Quand nous avons débuté le projet, en 2016, nous pensions que c'était une opportunité de tourner notre regard vers le passé pour comprendre d'où nous venons. Mais au vu de la montée de l'extrême droite au Brésil, à partir de 2017, nous nous sommes rendu compte que ce film servirait aussi à comprendre le présent.
FERNANDA TORRES: C'est un film sur le présent. Nous avons eu un président (Jair Bolsonaro, 2019-2022, ndlr) qui croit que les militaires ont sauvé le Brésil du communisme. Ce film appelle à une réflexion importante, il touche le coeur de personnes de tous bords, tous les gens qui assistent à ce film se disent: 'Ce n'est pas bien, cette famille ne devrait pas être persécutée'.
Q: Comment le film est-il reçu par un public non-brésilien?
SALLES: Dans les festivals internationaux, nous avons vu des réactions similaires, car nous ne sommes pas le seul pays où l'on perçoit la fragilité de la démocratie, ou qui a vécu le traumatisme de l'extrême droite. Sean Penn a vu le film le jour de l'élection de Donald Trump, et en le présentant à Los Angeles, il a cité le sourire d'Eunice comme un exemple de résistance pour ce qui est à venir aux Etats-Unis.
TORRES: Nous vivons dans un monde instable, où les nouvelles technologies ont changé les relations sociales. Dans des moments comme ceux-là, on voit ressurgir des désirs d'un Etat autoritaire pour rétablir l'ordre. À travers le point de vue de cette famille, ce film montre ce que cela signifie de vivre dans un pays au gouvernement violent, qui suspend les droits civils.
Q: Le film raconte une histoire triste, mais il y a aussi des moments qui font sourire...
Q: Le début du film est une reconstitution minutieuse de la vie de la famille Paiva, dans le Rio de Janeiro des années 70. Qu'est-ce que cela évoque pour vous?
SALLES: Ce sont des souvenirs d'adolescence. Ma petite copine, à l'époque, était amie d'une des filles de la famille Paiva, et j'ai passé beaucoup de temps avec eux. Dans cette maison, c'est comme si on était dans un autre pays, où l'on pouvait parler librement de politique, où l'on parlait de livres ou de disques censurés. Mais j'y ai aussi découvert une violence que je ne soupçonnais pas. Le jour où Rubens a disparu est un tournant pour nous tous, il y a un avant et un après. S'il nous restait un peu d'innocence, nous l'avons perdue ce jour-là.
Q: Comment vivez-vous les attentes au sujet d'une possible nomination pour l'Oscar du meilleur film étranger le 17 janvier?
SALLES: Les prix servent à amener plus de spectateurs pour voir les films, donc cela me plairait dans ce sens. Si cela arrive, c'est génial, sinon, la vie continue. Je pars toujours du principe qu'une personne optimiste est une personne mal informée.