|

Sénégal : à la rencontre d’ex détenus dits politiques

Envoyés en prison suite aux manifestations qui ont marqué la vie quotidienne des Sénégalais ces dernières années, plusieurs dizaines de personnes ont retrouvé la liberté grâce à un assouplissement de l'espace politique. Interviewés par Nouvelle Aube, deux ex-détenus dénoncent des mauvais traitements en prison et affirment ne pas renier leur position politique.

La rédaction
12:33 - 20/02/2024 mardi
MAJ: 15:14 - 20/02/2024 mardi
Yeni Şafak
La responsable de PASTEF des détenus politiques de Yoff, Khardiata Beye, et le détenu libéré, Fallou Diop, à Dakar au Sénégal.
Crédit Photo : Nouvelle Aube /
La responsable de PASTEF des détenus politiques de Yoff, Khardiata Beye, et le détenu libéré, Fallou Diop, à Dakar au Sénégal.

A quelques centaines de mètres de la maison d’arrêt de Rebeuss de Dakar installé dans le quartier du même nom, l’un des pénitenciers les plus célèbres du Sénégal, un groupe de personnes devant ce qui ressemble à une boutique, devise.


Dans cette assemblée, un jeune homme attire par son enthousiasme. L’approcher nous en donne confirmation. En réalité, Fallou Diop fait partie des détenus libérés par la justice sénégalaise dans un contexte de décrispation politique au pays de la
"Téranga"
(hospitalité).
"J’ai été relâché vendredi en début de soirée"
, confirme-t-il à Nouvelle Aube.

Cet homme svelte de 26 ans dit avoir été arrêté par des gendarmes le 7 août 2023 alors qu’il était avec trois de ses amis dans une voiture. Il relate ainsi les circonstances de son arrestation:


Ils ont fouillé nos téléphones et ont trouvé des images de notre leader, Ousmane Sonko et nous ont arrêtés.

En juillet 2023, Ousmane Sonko, leader de Pastef (dissous par les autorités) est arrêté chez lui quelques semaines après sa condamnation pour
"corruption de jeunesse"
, suscitant la colère de ses partisans. Mais Fallou jure qu’il ne manifestait pas même s’il revendique son appartenance à Pastef. Ça n’a pas empêché son déferrement au parquet suivi le 14 août de son placement sous mandat de dépôt. Il plonge pour la première fois dans l’univers carcéral.


Comme son camarade de parti, Moustapha Coulibaly a atterri à Rebeuss. Mais contrairement à Fallou, il reconnaît avoir manifesté en décembre pour soutenir son leader qui, en ce moment avait démarré une grève de la faim pour protester contre ce qu’il a toujours qualifié d’enlèvement.

"C’était très difficile"


A propos de leurs conditions d’emprisonnement, les deux anciens prisonniers sont unanimes.
"C’était très difficile. Déjà les mauvais traitements ont commencé aux premières heures de mon arrestation. Les gendarmes m’ont molesté au point que j’avais la joue enflée en arrivant en prison où les conditions carcérales ont été également très dures
" accuse l’ancien détenu.

C’est en protestant contre ces conditions que Moustapha Coulibaly, a été transféré à la prison de Sebikotane, à la périphérie de Dakar, un mois seulement après son arrivée à Rebeuss. Si ces prisonniers
"politiques"
ont tenu, c’est en partie grâce à l’assistance que leur apportait leur parti.

De teint noir, un peu élancée, Khardiata Beye donne l’air de materner Fallou Diop.
"Je suis la responsable des détenus politiques de Yoff"
, se présente-t-elle.

Cette environnementaliste qui est également la "
responsable des jeunes"
de Pastef Yoff a vu sa vie
"chamboulée"
depuis le début des arrestations des personnes liées à cette formation politique.

La jeune femme a la tache de collecter et d’acheminer à Rebeuss des ravitaillements destinés aux prisonniers. Ces provisions sont faites, à l’en croire avec l’argent issu de collectes ou de bénéfices de ventes de bracelets.

"Un vrai parcours du combattant car il fallait se réveiller très tôt pour venir après faire la queue pendant de bonnes minutes. Il peut arriver qu’on passe la journée ici rien que pour leur faire parvenir les ravitaillements"
, se rappelle-t-elle.

C’est pourquoi, elle accueille avec beaucoup d’enthousiasme la libération de ses
"filleuls"
qui recevront également un montant pour leur servir de frais de transport.

"Retrousser davantage les manches"


Fallou Diop loge à Yoff, mais est originaire de la ville sainte de Touba, dans la région de Diourbel (centre). Le jeune homme garde des stigmates de son séjour carcéral et dit ne rien renier de ses
"convictions politiques".

Même discours chez Moustapha Coulibaly qui promet par contre de
"retrousser davantage les manches pour prendre soin de ma famille",
réitérant tout ignorer des conditions de sa libération. D'une manière philosophique, il affirma:

Il était écrit que je ferais deux mois en prison.

Selon des informations véhiculées dans la presse, des pourparlers seraient en cours entre l’opposant Ousmane Sonko, également en prison et le président sénégalais, Macky Sall. Mais jusqu’à présent, aucun des deux camps n’a confirmé l’existence de ce dialogue.


En revanche, des médiateurs ont déclaré publiquement que le chef de l’Etat sénégalais, de même que son opposant, ont accepté de lâcher du lest pour un climat plus serein dans l’espace politique.

Des responsables de Pastef ont confié à Nouvelle Aube que depuis jeudi 16 février près de 400 personnes ont été libérés entre Rebeuss, le Camp Pénal, le Pavillon spécial et le Camp pénal où est incarcéré Sonko.


Par Souleymane Fall

À lire également:





#sénégal
#Politique
#détenu politique
#Ousmane Sonko
#Macky Sall
#élection présidentielle 2024
#Manifestation
#Police
#report de l'élection
il y a 7 mois