Meloni un an après: une Première ministre moins radicale que prévu

11:0421/10/2023, samedi
AFP
La première ministre italienne, Giorgia Meloni. Crédit photo: MARCO BERTORELLO / AFP
La première ministre italienne, Giorgia Meloni. Crédit photo: MARCO BERTORELLO / AFP

En un an de pouvoir en Italie, Giorgia Meloni, passée du statut de cheffe redoutée d'un parti d'extrême droite à celui plus consensuel d'"amie" de Joe Biden, a pris tout le monde à contrepied.

Nombre d'observateurs craignaient que celle qui fête ce week-end le premier anniversaire de son arrivée à la tête du gouvernement marque un tournant radical dans la politique italienne, alors qu'elle a finalement adopté une ligne modérée en politique étrangère et un programme de droite loin d'être révolutionnaire sur le front intérieur.


En dépit de son euroscepticisme, la dirigeante de 46 ans a cherché à avoir une attitude constructive avec l'Union européenne et ses partenaires, à part quelques prises de bec avec Paris et Berlin sur le dossier migratoire.

Elle a également assuré un soutien sans faille à Kiev face à Moscou, et devrait retirer des Nouvelles routes de la soie chinoises l'Italie, seul pays du G7 à s'être joint au projet en 2019.


Son soutien à l'Ukraine lui a valu d'être adoubée par Washington en juillet:
"Nous sommes devenus amis"
, lui a déclaré le président américain dans le Bureau ovale.

Parallèlement, elle a couvé son électorat avec des baisses d'impôts, une politique résolument antimigrants et la défense de la famille traditionnelle, réussissant à maintenir son parti Fratelli d'Italia en tête des intentions de vote.


"Elle est parvenue à paraître modérée en tant que partenaire tout en étant considérée comme radicale"
, explique Luigi Scazzieri, chercheur au Centre for European Reform, tout en s'interrogeant sur la durée de vie de ce subtil équilibre.

Berlusconi 2.0


Fratelli d'Italia, fondé en 2012, est resté dix ans un parti marginal avant de rafler la mise aux élections de septembre 2022 avec 26% des voix.


Sa coalition, constituée avec la Ligue antimigrants de Matteo Salvini et le parti conservateur Forza Italia fondé par Silvio Berlusconi (décédé en juin), forme le gouvernement le plus à droite de la péninsule depuis la Seconde Guerre mondiale.


Son parti est actuellement crédité de plus de 28% des intentions de vote, selon l'institut YouTrend.

Le gouvernement a allégé la pression fiscale, en particulier sur les familles, une priorité traditionnelle des électeurs conservateurs, observe Lorenzo De Sio, professeur de Sciences politiques à l'université Luiss de Rome.


Plus tolérant envers l'évasion fiscale, l'essentiel de la politique économique suit la ligne des précédents gouvernements de droite pour aboutir à une sorte de "Berlusconi 2.0", résume M. De Sio.


Au final, ce gouvernement s'avère
"décidément moins radical que ce à quoi on aurait pu s'attendre"
, conclut-il.

Giorgia Meloni n'a pas pour autant oublié d'adresser des messages à ses nombreux électeurs motivés par ses positions sur les migrants, le maintien de l'ordre et la défense des valeurs chrétiennes.

L'exécutif a ainsi interdit aux autorités locales d'enregistrer à l'état civil les enfants de couples gay et lesbiens, qui en Italie ne sont pas autorisés à adopter ou à recourir à des mères porteuses.


Mme Meloni n'a de cesse de défendre le modèle traditionnel de la famille, un père et une mère, même si elle est plus souple sur le mariage. Elle a annoncé vendredi se séparer de son compagnon, père de leur fille de sept ans.


"Faire mieux"


Le dossier migratoire avait été central durant la campagne électorale: tant Mme Meloni que M. Salvini avaient promis de bloquer les bateaux transportant des migrants des côtes nord-africaines jusqu'en Italie.


En dépit d'une série de décrets-lois, le nombre d'arrivées de migrants en 2023 a plus que doublé par rapport à 2022.

Giorgia Meloni a appelé l'UE à la rescousse, notamment en soutenant un accord avec la Tunisie pour empêcher les départs de ce pays et en saluant un accord conclu à Bruxelles sur le partage des demandes d'asile.


Les résultats de ces efforts tardent cependant à se traduire dans la réalité: selon un sondage de YouTrend pour la chaîne d'information en continu SkyTG24, l'immigration est en tête des motifs d'insatisfaction des électeurs sur l'action du gouvernement.


Mme Meloni a elle-même reconnu qu'elle espérait
"faire mieux"
sur ce dossier, laissant paraître sa frustration lorsqu'elle s'en est prise à une juge sicilienne refusant d'appliquer l'un de ses décrets, que la magistrate a estimé contraire au droit humanitaire et européen.

L'économie ne se porte pas aussi bien qu'elle l'aurait espéré, contraignant Rome à réviser à la baisse ses prévisions de croissance. Le déficit public devrait lui aussi être plus élevé que prévu.

La Première ministre doit aussi compter avec son remuant
"allié"
Salvini, qui a musclé son discours anti-européen et anti-migrants en vue des élections européennes de 2024.

Pour Luigi Scazzieri, si Giorgia Meloni ne réussit pas à démontrer que son approche équilibrée sert les intérêts de l'Italie, elle sera contrainte d'infléchir, en la durcissant, sa ligne politique.


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