Crédit Photo : Alex Wong / AFP Archive
Le président Joe Biden rencontre son homologue angolais Joao Lourenco dans le bureau ovale de la Maison Blanche le 30 novembre 2023 à Washington, DC.
Le choix de l'Angola pour le premier voyage en Afrique de la présidence de Joe Biden montre l'influence croissante de ce pays pétrolier, bénéficiaire d'un des plus importants investissements américains dans des infrastructures sur le continent, visant à contrebalancer l'influence chinoise.
Lors de cette visite en Angola, du 13 au 15 octobre, le président américain, en fin de mandat, visitera ce futur chantier: la réhabilitation d'une voie ferrée reliant le port angolais de Lobito à la République démocratique du Congo (RDC) et la construction d'un embranchement vers la Zambie.
Les 1 300 km de rails de ce
achemineront vers la côte atlantique des ressources cruciales pour l'économie mondiale, notamment le cuivre et le cobalt, depuis ces deux pays, riches en minerais mais enclavés.
En recevant en décembre son homologue angolais João Lourenço à la Maison Blanche, Joe Biden avait qualifié ce projet, également soutenu par l'Union européenne, de
"plus important investissement américain de tous les temps dans le rail africain".
Ce projet s'inscrit dans le cadre de l'affrontement géopolitique entre Washington et ses alliés d’une part, et la Chine de l’autre, cette dernière ayant des investissements considérables, notamment dans les mines en RDC et en Zambie.
"Pour Washington, l'Angola est un exemple de pays africain devenu moins idéologique et qui diversifie activement ses relations, pour être moins exposé à la Chine et, dans une moindre mesure, à la Russie",
explique Alex Vines, directeur du programme Afrique à Chatham House.
"Washington voit aussi l'Angola comme une moyenne puissance émergente en Afrique".
Rapprochement diplomatique
Ancienne colonie portugaise, ce pays lusophone de 37 millions d'habitants est le deuxième exportateur de brut africain, derrière le Nigeria, selon les chiffres de l'Agence internationale de l'Énergie (AIE).
Huitième économie d'Afrique en termes de PIB selon le FMI, l'Angola souffre néanmoins de pauvreté et d'un chômage élevé. Selon la Banque mondiale, 58 % des jeunes Angolais étaient sans emploi en 2023.
"L'Angola diversifie ses partenariats internationaux, mais doit aussi augmenter ses investissements extérieurs directs",
souligne M. Vines.
"Augmenter les investissements américains en Angola est important pour Luanda dans le cadre de cette stratégie".
Le rapprochement entre Washington et Luanda n'était pourtant pas évident.
Dès son indépendance en 1975, l'Angola plonge dans une guerre civile de 27 ans qui fera 500 000 morts et ravagera le pays.
En pleine guerre froide, les États-Unis soutiennent alors activement la rébellion de l'Unita, appuyée aussi par le régime d'apartheid sud-africain, face au jeune gouvernement marxiste du MPLA, soutenu par l'Union soviétique. Le MPLA dirige toujours le pays aujourd'hui.
Les États-Unis importent certes du pétrole d'Angola depuis qu'ils ont reconnu le gouvernement du MPLA en 1993, après un processus de paix avorté. Mais selon Alex Vines, les relations entre Washington et Luanda se sont considérablement réchauffées depuis que M. Lourenço a succédé en 2017 à l'autocrate José Eduardo dos Santos, accusé d'avoir, durant ses 38 ans de règne, détourné la manne pétrolière au profit de sa famille.
"Pas d'amis, des intérêts"
L'Angola entend également peser au niveau régional, comme en témoigne sa médiation dans le conflit entre Kinshasa et la rébellion du M23 - que Kigali est accusé de soutenir - dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), ce qui a conduit à un cessez-le-feu récent.
Paix et sécurité, mais aussi renforcement de la démocratie, seront au menu des discussions du président américain à Luanda, a annoncé la Maison Blanche, alors que des groupes de défense des droits de l'Homme et des militants de l'opposition dénoncent de nouvelles lois restreignant les libertés des médias et le droit de manifester.
Cependant, la priorité reste le projet ferroviaire, que Washington envisage d'étendre vers l'est jusqu'à l'océan Indien, tandis que Pékin s'est engagé en septembre à réhabiliter la Tazara, une ligne ferroviaire ouverte en 1976 et reliant la Zambie au port tanzanien de Dar es Salaam.
"Les États-Unis veulent contrebalancer l'influence croissante de la Chine en Afrique, particulièrement en Afrique australe. Mais il n'y a aucune garantie que le projet de Couloir de Lobito débouche sur un développement durable et bénéfique pour les habitants"
, souligne Cesaltina Abreu, sociologue à l'Université catholique de Luanda.
Les États-Unis
"n'ont pas d'amis, juste des intérêts",
avertit-elle.
Pour Heitor Carvalho, chercheur à l'Université Lusiada de Luanda, l'Angola doit
"établir des relations équilibrées avec toutes les superpuissances et puissances, sur des fondements tant politiques qu'économiques".
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