La Tunisie gravement affectée par la guerre en Ukraine

14:415/05/2023, vendredi
MAJ: 5/05/2023, vendredi
AA
Un militaire ukrainien du service des gardes-frontières de l'État. Crédit photo: Dimitar DILKOFF / AFP
Un militaire ukrainien du service des gardes-frontières de l'État. Crédit photo: Dimitar DILKOFF / AFP

L’incidence de la guerre russo-ukrainienne sur la Tunisie est estimée à une variation du taux de croissance de - 2,5% et de -2,2%, respectivement en 2022 et 2023, par rapport à une situation sans guerre, indique une étude réalisée par l'ONU Habitat et le bureau régional Afrique du nord de la Commission économique pour l'Afrique des Nations Unies.

Les résultats de cette étude ont été présentés lors d’un atelier organisé ce jeudi à Tunis par le bureau Maghreb de l'ONU Habitat et le bureau régional Afrique du nord de la Commission économique pour l'Afrique des Nations Unies, en partenariat avec le Bureau du Coordonnateur résident des Nations Unies en Tunisie, sur le thème: "Débusquer les effets de la guerre russo-ukrainienne : Comment anticiper et se préparer aux retombées de la guerre russo-ukrainienne sur la sécurité alimentaire en Tunisie ?".


"La Tunisie a importé en moyenne sur la période 2018-2021, 93% de sa consommation de blé tendre, 67% d'orge et 40% de blé dur. Plus de la moitié de ses importations de céréales dépendent de la Russie et de l'Ukraine. Le pays qui paie ses importations en dollar, subit ainsi, un double choc, celui de la guerre et celui de la dépréciation de sa monnaie"
, a souligné l'économiste Mohamed Haddar, auteur de cette étude, cité par l’agence publique locale Tunis Afrique Presse (TAP).

Selon cet économiste,
"la flambée des prix des céréales, des engrais et de l'énergie suite à la guerre en Ukraine, a provoqué, entre autres, une explosion des dépenses de subventions, une hausse du déficit budgétaire et, partant, une réduction de l'espace budgétaire, une baisse des enveloppes consacrées à l'éducation, la santé, l'investissement…, des difficultés d'approvisionnement, des pénuries (pain, farine, semoule, sucre, riz, produits agricoles...), une dépréciation de la monnaie nationale et une aggravation de l'inflation"
, rapporte la TAP.

Concernant les incidences de la guerre sur les ménages, Haddar explique que selon la simulation menée dans le cadre de cette étude,
"la guerre en Ukraine impacte pratiquement de la même façon aussi bien les hommes que les femmes. Les gagnants de cette guerre sont essentiellement, les patrons des petits métiers dans l'industrie, qui verraient leur bien-être augmenter d'environ 16% en 2022 et de plus de 18% en 2023, ainsi que les cadres supérieurs qui connaitraient une amélioration de leur bien-être d'environ 0,6% en 2022 et 0,4% en 2023"
.

L’économiste tunisien a toutefois, souligné que
"la liste des perdants est beaucoup plus longue. Ainsi, les ouvriers agricoles seraient sévèrement touchés. La perte de leur bien-être serait de plus de 13% en 2022 et de plus de 16% en 2023"
, tandis que
"Les cadres moyens, eux, subiraient une baisse de leur bien-être de 4%, alors que les retraités perdraient près de 2%, et les exploitants agricoles subiraient une perte d'environ 2% en 2022 et de 4% en 2023"
.

Les autres inactifs perdraient près de 0,3% de leur bien-être (900 000 travailleurs occupent des emplois informels en 2020), précise la même source. Pour atténuer les impacts de la guerre sur la croissance, le budget et les ménages, l'Etat devrait agir sur quatre grands axes, préconise l’économiste.


Le premier axe consiste en la maîtrise de l'inflation, à travers notamment l'amélioration du climat des affaires (suppression des autorisations, transparence fiscale, etc.), la relance des exportations pour réduire de manière significative le déficit de la balance commerciale et l'indexation des salaires sur la productivité.


Le deuxième axe concerne la mise en place d'une nouvelle politique céréalière participative selon une perspective de sécurité alimentaire, de productivité et de résilience. Il s’agit concrètement de réexaminer les pratiques de gouvernance de la filière céréalière selon une approche participative ; soutenir les producteurs agricoles ; réhabiliter la petite exploitation céréalière (PEC) ; réduire la dépendance de la Tunisie en blé tendre de 93% à 40% d'ici 2030 ; de revoir les mécanismes liés à la fixation des prix des céréales et des autres produits alimentaires, ainsi que le développement de la recherche et de l'innovation.


Le troisième axe a trait à la garantie d'une sécurité énergétique maîtrisée. Il est question de réduire le taux de dépendance énergétique du pays à 35% en 2035, en maîtrisant la demande au niveau de tous les secteurs d'activité, à travers une suppression progressive de la subvention énergétique.


Haddar a recommandé en ce sens de mettre en valeur toutes les ressources naturelles de la Tunisie (fossiles, renouvelables, conventionnelles et non conventionnelles) et d’encourager les investissements privés conséquents.


Il est primordial également d'appliquer les principes de la bonne gouvernance par les institutions et les entreprises publiques, d'assurer la protection des infrastructures vitales, de constituer un stock stratégique et de sécurité, et d'anticiper les changements et les mutations dans la région et dans le monde.


La révision du système de subventions représente le quatrième axe. Il s'agit de mettre en place des programmes pour aider les entreprises et les ménages à investir dans l’efficience énergétique et l'autoproduction de l'énergie renouvelable et de réduire l'impact de la réforme sur les populations pauvres et vulnérables (tarifs stables pour l'électricité et le gaz réservés à ces populations).


À lire également:



#ONU
#Guerre en Ukraine
#Tunisie
#étude
#économie