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En Palestine occupée, la "souffrance sans fin" d'un village palestinien face aux colons

Ce matin de juillet, en Palestine occupée, la peur a un visage: celui de Samiha Ismaïl, regard paniqué et mains tremblantes. Elle sort pour offrir le café, une rare occasion où ce n'est pas un colon israélien qui fait irruption dans son village.

La rédaction
16:46 - 22/07/2024 Pazartesi
AFP
Le Palestinien Mohamed Al-Nawajaa, 78 ans, est assis devant sa maison dans le village de Susya, dans le sud de la Palestine occupée, le 17 juillet 2024.
Crédit Photo : MOSAB SHAWER / AFP
Le Palestinien Mohamed Al-Nawajaa, 78 ans, est assis devant sa maison dans le village de Susya, dans le sud de la Palestine occupée, le 17 juillet 2024.

À Susya, situé dans les collines arides du sud de ce territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, la situation peut dégénérer rapidement. Les vallons alentours, depuis longtemps accaparés par la colonisation, sont devenus irrespirables depuis le début de la guerre entre Israël et la bande de Gaza.


Neuf mois plus tard, des colons établis dans des fermes et habitations voisines mènent des attaques parfois
"quotidiennes"
. La violence et la fréquence de ces raids ne cessent de
"s'intensifier"
, selon l'ONG Médecins Sans Frontières (MSF), qui intervient depuis janvier dans ce lieu
"cerné"
de colonies.

Crédit photo: MOSAB SHAWER / AFP

Susya semble figée. Ses 450 habitants se terrent presque jour et nuit dans ce hameau aux airs de décharge publique, parsemé de baraquements en parpaing brut, de tracteurs vétustes et de berlines sans plaques.

Même les moutons n'osent plus sortir de la bergerie.
"Chaque fois qu'on les emmène pâturer, les colons nous pourchassent"
, raconte Samiha Ismail, 53 ans.

"Personne Ne Bouge"


"Avant la guerre, nous aurions défendu notre terre, mais aujourd'hui personne ne bouge"
, affirme-t-elle, car les colons sont protégés par l'armée. Son mari et son fils sont régulièrement
"battus"
.

Les nuits, selon les habitants, sont émaillées de raids menés par des hommes en tenues paramilitaires, qui forcent les portes, frappent ou confisquent des biens comme les ânes et les mules.

"La plupart d'entre nous ne dorment plus"
, déplore la native de Susya, où l'on se couche à tour de rôle.

Sollicités par l'AFP, ni l'armée, ni la police, ni le ministère de la Défense supervisant les affaires civiles dans les Territoires palestiniens occupés (Cogat) n'ont souhaité répondre.


L'armée israélienne a lancé une offensive sur Gaza, faisant jusqu'à présent 38.983 morts, en majorité des civils.

Depuis que les yeux sont rivés sur Gaza, les violences et l'expansion coloniale, qui prospéraient déjà avant la guerre, explosent en Palestine occupée.


Expansion coloniale et réactions internationales


Fin juin, le gouvernement israélien, composé de ministres d'extrême droite, colons et partisans de l'annexion totale de la Palestine occupée, a approuvé la plus importante saisie de terres dans ce territoire occupé depuis plus de trente ans: 1.270 hectares devenus propriétés de l'État israélien.


Vendredi, la Cour Internationale de Justice (CIJ), la plus haute juridiction de l'ONU, a jugé illicite la poursuite de l'occupation.


Sur le terrain, des avant-postes établis par des colons sans l'aval des autorités israéliennes se multiplient.


De chez lui, le patriarche Mohamed Al-Nawajaa observe leur prolifération. À 78 ans, il se souvient de la "Nakba", l'exode forcé de centaines de milliers de Palestiniens lors de la création d'Israël en 1948.


Il se lève de son fauteuil pour balayer l'horizon avec sa canne.
"Après le 7 octobre, ils ont pris toutes ces collines. Mais cette terre est la nôtre"
, proteste-t-il.

Trauma permanent


Pour l'heure, l'inquiétude concerne la sécurité de ses 80 petits-enfants. Il a imposé une consigne: seul lui doit ouvrir la porte de son baraquement rudimentaire, et il a grillagé ses fenêtres, comme tous ses voisins. De plus, il raconte:


Ils viennent la nuit, vers trois heures. Ils disent: cette maison est la mienne.

La paranoïa gagne Susya. MSF a installé des tentes, inquiète pour la santé mentale des villageois.


"C'est le plus grand problème ici. Il y a une terreur psychologique"
, observe Simona Onidi, coordinatrice de l'ONG dans le gouvernorat d'Hébron.
"C'est un trauma permanent."

Abdul Rahim Al-Nawajaa n'attend plus rien, ni des médecins, ni des autorités.
"La souffrance est sans fin"
, philosophe ce bédouin de 60 ans.

Son père a été tué il y a quelques années pour un différend avec des colons autour d'un mouton, dit-il, et sa maison a été démolie
"plusieurs fois"
.

Il se sent impuissant. "
Les colons agissent dans l'impunité. Le soldat vous met une arme sur la tempe et vous ne pouvez rien faire"
, dit le berger.

Dans le village, l'idée d'une nouvelle Nakba circule. Mohamed Al-Nawajaa se renfonce dans son fauteuil.
"Nous resterons dans nos maisons"
, promet-il.
"Et nous mourrons ici".

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