Funérailles sans repas, fêtes de mariage écourtées et même alliances en or plus fines... En Égypte, la crise économique n'a pas seulement changé les habitudes de consommation, elle est en train de bouleverser des traditions pluricentenaires.
Jusqu'à récemment, à Qouissna et dans tous les autres villages du delta du Nil, personne n'aurait imaginé célébrer son mariage sans organiser la veille un enterrement de vie de garçon.
Surtout, alors que manger de la viande est déjà devenu un luxe que ne se permettent quasiment plus les 60% d'Égyptiens pauvres ou juste au-dessus du seuil de pauvreté, acheter un boeuf entier pour nourrir les convives comme le veut la tradition est désormais hors de portée pour beaucoup.
"Petite" bague
Dans le plus peuplé des pays arabes, les 105 millions d'habitants habitués de longue date à s'endetter pour les grandes occasions, ne sortent plus la tête de l'eau: ils sont écrasés sous une inflation à 33,9%, sans cesse exacerbée par une dévaluation de la monnaie, aujourd'hui à près de 50%.
Les familles sont obligées d'utiliser leur argent pour la vie courante plutôt que pour des dépenses uniquement faites pour respecter les traditions.
Finis donc les mariages de trois jours - et donc neuf repas gargantuesques - auxquels la totalité des habitants du village étaient invités.
Quant aux mariées, elles sont désormais bien moins regardantes sur les bagues, observe le professeur qui ajoute:
Avant, il fallait un certain poids d'or pour sceller une union, aujourd'hui une bague bien plus fine suffit.
La plus haute autorité musulmane d'Égypte a même récemment annoncé que les traditionnels bijoux en or pouvaient tout à fait être remplacés par des parures en argent... bien moins onéreuses.
Pain subventionné
Les funérailles ne sont pas épargnées non plus par les restrictions budgétaires. Dans le village d'al-Adhadhiya, en Haute-Égypte, une région agricole et traditionaliste, les familles se pressaient naguère pour apporter des plateaux de victuailles aux proches d'un défunt.
Parce qu'elles sont toujours subventionnées dans les boulangeries d'Éat, les petites galettes cuites au four sont désormais sur toutes les tables, rapporte M. Abdelal.