Mayotte: l'État français critiqué pour sa gestion de la catastrophe

11:0320/12/2024, Cuma
AFP
Le président français, Emmanuel Macron rencontre des habitants lors de sa visite au quartier kavani à Mamoudzou, sur le territoire français de Mayotte dans l'océan Indien, le 19 décembre 2024, après le passage du cyclone Chido sur l'archipel.
Crédit Photo : LUDOVIC MARIN / POOL / AFP
Le président français, Emmanuel Macron rencontre des habitants lors de sa visite au quartier kavani à Mamoudzou, sur le territoire français de Mayotte dans l'océan Indien, le 19 décembre 2024, après le passage du cyclone Chido sur l'archipel.

"M. le président, on veut de l'eau !". La visite d'Emmanuel Macron aux victimes du cyclone à Mayotte ne se fait pas sans critiques de l'Etat français, au niveau de préparation jugé défaillant en amont de l'arrivée de Chido.

Décisions de dernière minute, communication inadaptée... Les remarques faites au chef de l'Etat pointent tant la réaction des autorités après la catastrophe que leurs décisions a priori, potentiellement lourdes de conséquences alors que le bilan humain n'est pas encore connu.


Selon le ministère de l'Intérieur, le cyclone a pour l'instant fait 31 morts et 2.133 blessés. Mais les autorités anticipent un nombre de victimes bien supérieur.

A peine descendu de l'hélicoptère de gendarmerie l'ayant déposé au centre hospitalier de Mamoudzou, dont une partie de la toiture a été arrachée samedi par des vents de plus de 200 km/h, le président s'est retrouvé face à des personnels de santé aussi désemparés que critiques.


A commencer par le système d'alerte aux cyclones jugé déconnecté de la réalité de Mayotte, avec des SMS en français envoyés aux habitants quand beaucoup ne parlent pas cette langue, près de la moitié de la population étant comorienne, selon Manon Bodin, psychologue à l'hôpital.

"Il aurait fallu faire des maraudes, aller partout, et leur expliquer"
ce qu'est un cyclone, a-t-elle dit à Emmanuel Macron.
"Il aurait fallu prendre en compte la culture de Mayotte".

"A la métropolitaine"


Les autorités ont communiqué
"à la métropolitaine",
acquiesce la cadre hospitalière Zena Abiladi Halidani. C'est-à-dire sans tenir compte ni de
"la barrière de la langue"
ni du fait que Mayotte,
département le plus pauvre de France, est aussi celui où l'illettrisme est le plus fort, avec 58% de la population touchée, contre 7% en moyenne nationale, selon l'Institut français de la statistique, l'Insee.

Entre niveau d'alerte cyclone orange, rouge ou violet et des précautions différentes à prendre selon l'intensité du phénomène météorologique,
"beaucoup n'ont pas compris"
les risques encourus à rester coûte que coûte chez eux alors que la tempête approchait, observe-t-elle. Et d'ajouter:
"Personne n'y croyait".

Mais Mme Halidani, déléguée syndicale, dénonce aussi une gestion trop tardive à l'hôpital, où un plan blanc (des mesures de santé à prendre en cas de crise) n'a été conçu que vendredi soir, selon elle sans être adopté, quand le cyclone devait toucher Mayotte quelques heures plus tard.

"On n'a rien anticipé"
, peste-t-elle. La venue du président Macron à Mayotte est en ce sens comme
"celle d'un médecin après la mort",
tonne-t-elle.

Que l'Etat arrête de se moquer de nous. Ils ont géré quoi ? La mort des Mahorais.

Le retour est également négatif dans l'Education nationale.

"Je n'ai su que jeudi soir, tard, que je n'aurais pas cours le lendemain avec mes élèves. On leur a juste dit: 'Ne revenez pas demain, restez chez vous'"
, plutôt que de faire de la pédagogie sur le cyclone, regrette un professeur de mathématiques, qui pointe la
"responsabilité"
de l'Etat et dénonce
"un désastre de communication".

Pour preuve, ce message du rectorat de Mayotte, qui à l'occasion des vœux aux enseignants de l'académie, quelques jours avant la catastrophe, mentionnait
"un petit événement qui vient perturber ce début de vacances scolaires"
, celles-ci s'en retrouvant
"un petit peu plus agité(es) que prévu".

La route du cyclone était pourtant connue de longue date et son intensification documentée.


"Parfaitement fonctionné"


Questionné lundi sur une éventuelle impréparation de l'Etat, le ministre démissionnaire de l'Intérieur, Bruno Retailleau, avait balayé tout manquement, mentionnant une
"réunion de crise"
au ministère de l'Intérieur la veille de l'arrivée de Chido sur Mayotte et le pré-positionnement de 110 personnels de secours.

"Les dispositifs d'alerte et de prévision ont parfaitement fonctionné",
affirmait-il encore, expliquant la
"vulnérabilité"
de Mayotte notamment sur les
"étrangers en situation irrégulière"
n'ayant pas rejoint
"les points de regroupement"
prévus en cas de cyclone.

Selon plusieurs habitants, ces zones n'ont toutefois été connues que vendredi, là encore quelques heures seulement avant la catastrophe.


Jeudi, un pompier rencontré par l'AFP déplorait aussi un Etat aux abonnés absents aux premières heures de la crise, notamment dans la coordination des secours. 

Un policier mahorais dénonçait, lui, une situation
"folle"
depuis lors, bien que Paris ait mis en oeuvre une logistique lourde pour apporter aide et vivres aux populations sinistrées.

"On a l'impression que l'Etat a complètement sous-estimé l'ampleur"
du cyclone, s'indignait ce dernier, déplorant que
"tous les moyens sont concentrés sur Petite-Terre (la petite île à l'est de l'île principale, NDLR) et Mamoudzou"
, sa capitale.

"Le reste de l'île est encore coupée du monde. Je suis allé voir mes parents dans le nord hier. Ils n'ont aucune information, ils n'ont vu aucun secours arriver, rien, s'étranglait-il. C'est comme au premier jour du cyclone là-bas".

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