Crédit Photo: IRAQI PRIME MINISTER MEDIA OFFICE / AFP
Avec ses réserves colossales, l'Irak pourrait continuer à écouler son or noir pendant cent ans au même rythme qu'aujourd'hui. Mais dans un monde qui pense à l'après-pétrole, Bagdad est loin du grand chambardement nécessaire pour diversifier son économie.
"Actuellement, toute l'économie dépend du pétrole et du prix du pétrole",
explique le politologue irakien Ammar al-Azzawi.
"S'il plonge, notre économie ira aux soins intensifs",
avertit-il.
Son remède? Développer l'industrie, l'agriculture et le tourisme, secteur à haut potentiel grâce aux trésors archéologiques.
Des vœux pieux, tant l'Irak se repose sur une rente de situation, le pays exploite l'or noir depuis les années 1920, dans un monde œuvrant désormais au passage à la neutralité carbone.
A la mi-avril, les pays du G7 se sont engagés à
leur
des énergies fossiles, visant une neutralité carbone d'ici 2050
.
Et l'Union européenne a validé en mars la fin, dès 2035, des moteurs thermiques pour les automobiles neuves, qui ne pourrons plus émettre aucun CO2.
A l'échelle mondiale,
"une transition énergétique est en cours, mais pas encore à la vitesse ni à l'échelle jugées nécessaires par les scientifiques pour éviter les pires conséquences du changement climatique"
, nuance Ali al-Saffar, expert à la Fondation Rockefeller.
Des effets que les 42 millions d'Irakiens ressentent déjà: entre sécheresses et tempêtes de sable, leur pays est l'un des cinq les plus touchés au monde par certains phénomènes du changement climatique, selon l'ONU.
Et les dangers de sa dépendance au pétrole, l'Irak en a eu un avant-goût quand la demande a plongé en 2020 durant la pandémie.
"Le taux de pauvreté a doublé, quasiment du jour au lendemain",
rappelle M. Saffar.
Car l'Irak tire 90% de ses revenus du pétrole.
"En 2021, 60% des investissements publics étaient liés au pétrole, comparé à moins de 17% en 2010",
indiquait en mars un rapport de la Banque mondiale.
"Historiquement, la facilité avec laquelle les revenus pétroliers sont générés, et peuvent être redistribués pour maintenir les réseaux du pouvoir, affaiblit la volonté d'adopter des réformes"
permettant de doper la croissance, expliquait l'institution.
Une réalité
"limitant davantage la capacité de l'Irak à amorcer sa transition et à réduire ses émissions carbone".
Pourtant, Muzhar Saleh, conseiller économique du Premier ministre irakien, promet dans les dix prochaines années des mesures pour
"diversifier l'économie".
Le gouvernement mise sur de grands projets menés, via notamment des partenariats publics et privés.
Samedi, Mohamed Chia al-Soudani a dévoilé un projet de construction (avec des pays de la région) d'une route et d'une voie ferrée censées relier le Golfe à la frontière turque d'ici trois à cinq ans.
L'agriculture, à en croire M. Saleh, est aussi une priorité. L'Irak cultive moins d'un million d'hectares sur 2,7 millions d'hectares de terres arables, dit-il.
Avec l'introduction de technologies d'irrigation modernes, M. Saleh espère monter à 1,5 million d'hectares.
Et de promettre:
"dans 50 ans, nous ne serons pas aussi dépendants au pétrole que nous le sommes aujourd'hui".
Avec ses réserves, Bagdad pourrait continuer à produire du pétrole au même rendement pendant encore 96 ans, selon la Banque mondiale. Mais pour initier une
elle évalue à 233 milliards de dollars le coût des réformes nécessaires, étalé jusqu'à 2040.
Parmi les mesures identifiées:
"consolider la participation du secteur privé à l'économie",
assainir un secteur de l'électricité défaillant, mais aussi
"éliminer le torchage de gaz qui sera utilisé dans la production électrique".
Plusieurs projets sont en cours pour réduire cette pratique polluante et capter le gaz s'échappant lors de l'extraction de brut.
Tout comme l'Irak ambitionne de couvrir un tiers de sa production avec des énergies renouvelables d'ici 2030, selon le gouvernement.
Et tandis que l'UE veut installer d'ici 2026 des bornes de recharge électrique sur les grands axes routiers et des stations de ravitaillement en hydrogène avant 2031, l'Irak s'initie à peine aux véhicules hybrides.
Hassanein Makkié, responsable commercial à Bagdad, vend des voitures hybrides.
"La prochaine étape c'est les voitures électriques",
espère le quadragénaire.
Mais les défis abondent dans un pays où le secteur électrique a été mis à genoux par les conflits et la corruption.
"Il faut une certaine infrastructure pour produire de l'électricité en grande quantité, nous ne sommes pas prêts",
dit-il.
Et si un jour la moitié du parc automobile en Irak est électrique,
"de quelle quantité d'électricité le pays aura-t-il besoin pour sa consommation?"
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