L'intérêt d'Ankara pour cette organisation n'est pas nouveau, car il remonte à 2018. Lors du sommet des BRICS de cette année-là, le Président turc Recep Tayyip Erdogan, présent en tant qu'invité spécial, a exprimé le souhait de son pays d'en devenir membre.
La stratégie d'Ankara à l'égard de ce groupe n'a toutefois pas été très suivie (1). La participation de la Türkiye à la réunion des ministres des Affaires étrangères des BRICS en Russie le 11 juin 2024 a cependant ravivé ces discussions.
L'annonce (2) de la candidature de la Türkiye comme membre à part entière des BRICS a alimenté les débats sur la scène politique nationale et internationale.
Les BRICS, terme initialement inventé au début des années 2000 pour désigner les nations émergentes du Brésil, de la Russie, de l'Inde et de la Chine, sont officiellement devenus un forum international en 2009. Un an plus tard, l'Afrique du Sud s'est jointe à eux, créant ainsi le groupe des BRICS.
L'intérêt croissant de la Türkiye pour les BRICS découle de motivations à la fois politiques et économiques. Sur le plan politique, les BRICS incarnent l'influence croissante des nations émergentes et constituent une plateforme permettant à ces pays d'exprimer leur mécontentement à l'égard du système mondial actuel. Le groupe se positionne comme un contrepoids à l'ordre international dominé par l'Occident (3).
Face aux tensions entre l'Est et l'Ouest, telles que la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis et la guerre actuelle entre la Russie et l'Ukraine, le renforcement des liens avec les BRICS pourrait aider la Türkiye à naviguer dans les incertitudes du système mondial tout en poursuivant ses intérêts nationaux indépendamment d'un bloc unique.
Les économies émergentes des BRICS expriment depuis longtemps leur frustration quant à leur sous-représentation et à leur pouvoir de vote limité au sein de ces institutions. En dépit des réformes entreprises en 2016, les États-Unis conservent une position dominante.
En outre, l'intérêt de la Türkiye pour les BRICS s'inscrit dans sa stratégie plus large d'engagement auprès d'organisations internationales et régionales alternatives (4).
Cette approche va dans le même sens que sa candidature à l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et son statut de partenaire de dialogue de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) (5). L'objectif principal est de collaborer avec d'autres économies émergentes pour façonner les affaires internationales et promouvoir un ordre mondial multipolaire.
La Türkiye s'engage auprès d'organisations non occidentales afin d'améliorer son autonomie stratégique, en cloisonnant ses relations avec les organisations occidentales et en évaluant les diverses opportunités qui se présentent sur les deux fronts.
Sur le plan économique, les BRICS jouent un rôle central dans le système économique mondial. Depuis les années 1990, le développement rapide des économies asiatiques a déplacé le centre de gravité économique de la région euro-atlantique vers la région asiatique.
En outre, l'amélioration des relations avec les membres des BRICS pourrait attirer de nouveaux investissements, créer des opportunités d'emploi et étendre la présence des pays membres dans divers secteurs de l'économie turque.
Cela est particulièrement important à l'heure où le monde passe d'un ordre économique centré sur l'Occident à un ordre économique centré sur l'Orient. Établir des relations stables et à long terme avec les membres des BRICS pourrait permettre à la Türkiye de faire face à la vulnérabilité de l'économie mondiale, à la perturbation des chaînes d'approvisionnement et aux tensions géopolitiques entre les grandes puissances.
Ainsi, l'intérêt de la Türkiye pour les BRICS est motivé par des facteurs à la fois politiques et économiques. Sa politique étrangère proactive, qui met l'accent sur une approche équilibrée entre l'Est et l'Ouest, constitue la justification politique.
Sur le plan économique, le poids croissant des pays des BRICS offre à la Türkiye la possibilité d'approfondir ses relations commerciales, d'accéder à de nouveaux marchés d'exportation et d'attirer des sources d'investissement diversifiées en vue d'une croissance à long terme.
(1) https://www.aa.com.tr/tr/analiz/analiz-turkiye-brics-ve-cok-kutupluluk-jeopolitik-bir-dengeleme/3247499
(2) https://www.bloomberght.com/rusya-turkiye-brics-e-tam-uyelik-basvurusu-yapti-2359582
(3) https://english.alarabiya.net/News/middle-east/2024/09/03/turkey-submits-request-to-join-brics-nations
(4) https://www.sabah.com.tr/yazarlar/perspektif/murat-yesiltas/2024/09/07/turkiyenin-brics-uyeligi-firsat-mi-risk-mi
(5) https://www.aa.com.tr/en/asia-pacific/turkiye-aims-to-become-dialogue-partner-of-asean-foreign-minister/3286386
(6) https://www.aa.com.tr/tr/analiz/analiz-turkiye-brics-ve-cok-kutupluluk-jeopolitik-bir-dengeleme/3247499
Yunis Sharifli est chercheur junior au Centre caucasien de relations internationales et d'études stratégiques (QAFSAM).