Dès son entrée en fonction, le président américain a annulé un décret de son prédécesseur qui imposait aux entreprises du secteur de communiquer leurs données lorsque leurs programmes présentaient des "risques sérieux". Donald Trump a également ordonné aux agences fédérales de ne plus suivre les recommandations de bonnes pratiques mises en place sous Joe Biden.
"Le président Trump a fait une priorité du positionnement des États-Unis aux avant-postes de l'IA", précise l’un des décrets signés fin janvier.
Ces textes ne font pas mention des risques associés à l’IA, signalés par de nombreux observateurs, comme les menaces que représentent les interfaces d’intelligence artificielle générative en cas de détournement ou de perte de contrôle.
"On ne gagnera pas dans l’IA de demain si on se fait des nœuds au cerveau avec la sécurité", a martelé le vice-président JD Vance lors du sommet de l’IA à Paris.
Un impact mondial sur la régulation
Ce revirement américain se fait sentir bien au-delà des États-Unis.
"On va voir un ralentissement marqué des initiatives en matière de régulation dans le monde entier", prédit David Danks, professeur d’analyse de données et de philosophie à l’université de Californie à San Diego.
"On l’observe même en Europe", ajoute-t-il, où l’accent est davantage mis sur l’accompagnement et les investissements dans l’IA plutôt que sur les contraintes imposées par le règlement IA Act de l’Union européenne, entré en application en août.
La Commission européenne a d’ailleurs décidé, en février, de reporter sine die les discussions sur une directive visant à instaurer un régime de responsabilité pour les dommages éventuels causés par l’IA.
"On s’éloigne clairement de l’idée d’une approche cohérente et globale de la régulation de l’IA", confirme Karen Silverman, du cabinet de conseil Cantellus Group.
Course contre la Chine
Le gouvernement Trump a lancé un appel à contributions sur le sujet, auquel ont rapidement répondu les grands acteurs du secteur, en premier lieu OpenAI.
Tout comme la Maison-Blanche, la start-up considère l’IA comme un enjeu stratégique de souveraineté, visant à "empêcher d’abandonner à la Chine notre position de leader".
L’essor de la République populaire a été illustré par l’arrivée de la start-up chinoise DeepSeek, dont l’interface R1, lancée en janvier, a démontré des performances comparables aux grands modèles américains, malgré des moyens financiers et techniques bien moindres.
Pour résister à la Chine, OpenAI estime que l’intelligence artificielle "made in America" doit être "protégée des régimes autoritaires qui pourraient priver les gens de libertés et des couches de réglementation et de bureaucratie qui l’empêcheraient" d’être accessible au plus grand nombre.
OpenAI affirme même que "se conformer à des législations excessivement lourdes des États" favoriserait la Chine.
Selon Karen Silverman, "au moins 30 États américains ont une forme de régulation" de l’IA en place.
OpenAI suggère également aux autorités d’assouplir les règles d’utilisation de contenu soumis au droit de la propriété intellectuelle afin de faciliter le développement des modèles d’IA générative, comme ChatGPT ou Gemini de Google.
"Sans accès raisonné" à ces contenus, "les États-Unis seront perdants, tout comme l’IA démocratique", avertit la start-up, alors que de nombreux artistes ont saisi la justice pour faire valoir leurs droits face à l’utilisation de leurs œuvres.
Meta met également en avant "la course contre la Chine" et la nécessité de "s’assurer de la domination de l’IA américaine". Les grands noms du secteur affirment avoir mis en place des garde-fous internes pour éviter toute dérive de leurs modèles.
"Je n’ai jamais vu une entreprise investir autant dans la sécurité et l’intégrité (de ses produits) avant tout lancement", a souligné Kevin Weil, responsable produit d’OpenAI, lors de la conférence HumanX sur l’IA.
Pour David Danks, les entreprises de l’IA redoutent avant tout "la mauvaise presse". "Si votre technologie entraîne des catastrophes, l’opinion publique va vous tomber dessus", prévient-il.
Cependant, si l’auto-régulation peut être efficace, reconnaît-il, "elle n’inclut pas les retours extérieurs, qui sont pourtant essentiels".
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