Au Sénégal, l'aquaculture cherche son cap

11:223/10/2024, Perşembe
AFP
Un employé de la pisciculture de Mbawane nourrit des poissons dans un étang à ciel ouvert à Kayar, au Sénéfal, le 25 septembre 2024.
Crédit Photo : SEYLLOU / AFP
Un employé de la pisciculture de Mbawane nourrit des poissons dans un étang à ciel ouvert à Kayar, au Sénéfal, le 25 septembre 2024.

La mer est toute proche, mais dans la petite ville côtière de Kayar au Sénégal, une partie de la production de poissons provient d'une ferme piscicole implantée dans les terres.

Khadidiatou Sar Seck, fondatrice de la structure il y a une quinzaine d'années, fait figure de pionnière dans ce pays ouest-africain où le poisson et la pêche font partie de l'identité nationale.


Le poisson représente plus de 70% des apports en protéines des foyers et la pêche ferait vivre directement ou indirectement environ 600.000 personnes sur une population de 18 millions.


Mais la ressource, qui semblait intarissable il y a quelques années, se raréfie sous l'effet de la surpêche, de la pêche illégale et du réchauffement climatique.


Le volume des captures par pirogue a diminué de 58% entre 2012 et 2019, indique l'ONG Environmental Justice Foundation (EJF) dans un rapport. Dans le même temps, les exportations de produits de la pêche ont presque quadruplé. Pour les Sénégalais, les prix augmentent, rendant cet aliment essentiel de moins en moins abordable.

Presque pas un jour ne passe sans qu'une embarcation de migrants ne soit signalée en route vers les Canaries, porte d'entrée de l'Europe, ou qu'un naufrage ne soit rapporté. Beaucoup de ces migrants sont des pêcheurs ou des habitants des localités côtières dépendant de la pêche.


Face à cette situation préoccupante, les autorités sénégalaises disent vouloir promouvoir l'élevage de poissons et attirer les investisseurs.


Retard en Afrique


"Notre objectif est que l'aquaculture puisse contribuer grandement à la production halieutique du pays et aider à parvenir à la souveraineté alimentaire"
, une priorité du président Bassirou Diomaye Faye, a déclaré la ministre de la Pêche Fatou Diouf en septembre lors d'une conférence sur l'aquaculture durable à Dakar.

Malgré son immense potentiel, l'Afrique ne représente qu'environ 1,9% de la production aquacole mondiale, très loin derrière l'Asie (91,4%), selon un rapport de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) publié en 2024.

L'aquaculture est pratiquée au Sénégal depuis longtemps, mais elle n'a jamais vraiment décollé. Malgré la création en 2006 d'une agence dédiée, l'activité ne représente qu'à peine 1% de la production halieutique du pays, soit 1.804 tonnes en 2023, dont 56,8% d'huîtres, 26,5% de poissons, 12% d'algues et 4,3% de moules.


Les difficultés s'accumulent pour ceux qui se lancent dans cette activité.


Les Sénégalais connaissent mal ces produits, il est difficile de se procurer des souches de qualité, l'alimentation pour les poissons d'élevage coûte cher et doit être importée, l'accès au foncier est un défi, et la commercialisation reste compliquée, explique Mme Seck près des bassins où s'agitent des milliers de clarias et de tilapias.

Ses produits sont vendus directement aux particuliers, à des grossistes ou à des poissonneries.


Samba Ka, directeur de l'agence nationale de l'aquaculture, affiche de grandes ambitions. Il estime:


Tout est possible si les investissements et les partenaires suivent.

"Il faut que tout le monde s'implique, organiser des foires, des ateliers culinaires, inviter des chefs, pour que l'on sache que c'est un produit consommable, bon pour la santé et nutritif"
, dit-il.

Ambitions


L'agence espère atteindre une production de 65.000 tonnes d'ici 2032 et créer environ 50.000 emplois.


Dans son vaste hangar, à une centaine de kilomètres au sud-est de Dakar, Demba Diop s'est spécialisé dans la production d'alevins, jeunes poissons destinés à l'élevage, maillon essentiel de la chaîne.


Il a dû
"partir de zéro"
et puiser dans ses fonds propres pour créer sa ferme, car les banques ne lui faisaient pas confiance, connaissant mal cette activité, explique-t-il. Les autres obstacles sont le coût des aliments et la disponibilité des alevins de bonne qualité, tous deux importés d'Europe, précise-t-il.

Sur le quai de Soumbedioune, à Dakar, où les pêcheurs hissent leurs pirogues colorées sur la plage, Olivier Gomes, 36 ans, rejette l'idée de se tourner vers l'aquaculture.


Et d'ajouter:


Nous avons assez de poissons dans nos mers, mais malheureusement, ce sont les chalutiers étrangers qui nous en privent.

Il note également une différence de goût entre les poissons de mer et ceux d'élevage, et craint une concurrence sur les prix. Il envisage même de prendre la route de l'exil vers l'Europe pour gagner plus d'argent.


En revanche, Alioune Badara, ancien pêcheur de 54 ans, qui a vécu quelques années en Europe avant de revenir au Sénégal, se montre intéressé par l'aquaculture.


"Aujourd'hui, il n'y a plus de poissons dans la mer. Si on m'accompagne financièrement dans la pisciculture, ça m'intéresse beaucoup, en complément de mon activité agricole",
assure-t-il.

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